Chers lecteurs et chères lectrices, je vais commencer cet avis par un peu d’histoire. Le "Boston Globe" est un journal quotidien basé, comme son nom l’indique, dans la ville de Boston. En 1972 a été créée l'équipe Spotlight, une cellule d’investigation animée par des journalistes enquêteurs afin de révéler aux citoyens américains et au monde entier, au prix de longues enquêtes, ce que les "puissants" tentent de cacher sous le tapis. Depuis cette année-là, il semble évident que les sujets sont relativement nombreux, tout en sachant que les investigations menées durent plusieurs mois, jusqu’à parfois dépasser une année entière. Par l’intermédiaire du film de Tom McCarthy, le dévolu est jeté sur l’un des 18 prix Pulitzer obtenus par le journal. 18… vous vous rendez compte ? Autant dire que ce journal a su rassembler une sacrée crème d’investigateurs aussi aguerris et talentueux les uns que les autres. Le choix est remarquable de par son audace, puisqu’il porte sur un sujet tabou, à savoir l’affaire de pédophilie de prêtres catholiques dans l’archidiocèse de Boston. Une affaire diligentée par le nouveau patron fraîchement arrivé à la tête de l’équipe Spotlignt. Donc oui, "Spotlight" s’appuie sur des faits réels, dont le scénario est resté quelques années en quête de producteur. Un sujet (trop) sensible ? Il est vrai qu’une telle affaire fait désordre, surtout dans les rangs ecclésiastiques. Très rapidement, un parfum de scandale plane sur cette enquête, commencée avec la plus grande prudence, et que seuls les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center ont perturbée. Le scénario, primé aux Oscars 2016, reflète à la perfection ce long travail effectué, un travail titanesque. Les qualités cinématographiques du réalisateur, l’interprétation de haut vol des acteurs et la narration, viennent à leur manière, sans jamais céder au spectaculaire ni tomber dans la surdramatisation, récompenser le journalisme d’investigation, et du même coup redorer l’image d’une corporation souvent méprisée (et à juste titre la plupart du temps). Un scénario tout simplement bien écrit, et qui parvient à résumer en un peu plus de deux heures six mois d’enquête (six mois, révélation faite par le véritable Mike Rezendes). Mais là où réside le vrai génie du scénario, en partenariat avec l’œil du cinéaste, c’est de placer le spectateur comme un stagiaire en journalisme. Nous découvrons les rouages de l’enquête, le travail de fourmi que ça représente, et la nécessité de bien boucler l’investigation afin de la rendre inattaquable par les instances visées. En effet, nous découvrons combien il est nécessaire de fouiller les archives, de multiplier les appels, de recueillir les témoignages, et de croiser toutes les données. Après une mise en bouche savoureuse, le spectateur est rapidement pris dans cette enquête, embarqué par l’intensité et la force de persuasion mises en place, pour subir une sorte de mal-être qui va en grandissant au fur et à mesure que le film avance. Les acteurs y sont bien évidemment pour quelque chose tant ils semblent tous concernés par cette affaire. Tandis que Liev Schreiber est étonnant d’humilité face au sujet et à ses nouvelles fonctions, Mark Ruffalo apporte le moment le plus fort émotionnellement
tant son personnage marque de l’empressement à publier, considérant la situation comme éminemment urgente
. Les personnages de Michael Keaton et Rachel McAdams font preuve quant à eux de sagesse, et cela force le respect. Brian d’Arcy James interprète à merveille le cruel dilemme auquel il est exposé quand il découvre que… non, non et non, je ne dirai pas le reste. Paul Guilfoyle, habitué au bon rôle dans "Les experts", se place cette fois du mauvais côté de la barrière, et m’a glacé le sang devant tant de froideur. Stanley Tucci campe un avocat qui se donne à fond dans le boulot, bien qu’en proie à la frustration de ne pouvoir aller aussi loin qu’il le voudrait. Il serait injuste de ne pas citer le reste du casting car tous contribuent à la réussite de ce film, que ce soit le jeune gay, ou ce vieux curé qui ne voit pas ce qu’il a fait de mal, ou encore le dirigeant de l’association, visiblement encore profondément touché par son passé. Vous ne resterez donc pas indifférent à cette affaire qui a secoué le monde en 2002
, une affaire dont l’ampleur dépasse toute imagination
. Mais ce n’est pas tout, le générique de fin finira de vous plonger dans l’horreur
en nous présentant l’ampleur du phénomène
. Certains pourraient regretter que le point de vue ecclésiastique ne soit pas abordé, tout comme la vie privée des journalistes. Cela aurait pu être intéressant, c’est vrai, mais là n’était pas le propos. Le choix de faire l’impasse dessus est assumé, et force est d’avouer que cet oubli est finement… oublié. Les dialogues sont brillants, tant dans certaines expressions que dans leur franchise. Comment ne pas réagir à l’avertissement adressé à cet avocat qui s’est chargé de trouver un compromis entre l’Eglise et les victimes ? Je pourrai parler de "Spotlight" encore longtemps tellement il m’a secoué, captivé, passionné, habité par un profond dégoût naissant envers des hommes (si on peut les appeler encore ainsi) censés faire le bien et à qui on donnerait… le bon dieu sans confession, et envers tous ceux qui les… euuuh… dirigent ? Sans compter que le film ouvre la porte à de nombreux débats. Plus qu’un film qui suscite des émotions, "Spotlight" est un film utile, utile pour ne pas oublier, utile pour qu’un tel scandale ne se reproduise pas, tout en accusant l’immobilisme (courageusement avoué par le personnage de Michael Keaton). On a le droit de rêver, non ? Logiques Oscars du meilleur scénario original et du meilleur film.