Un soir où Jules travaillait, je me suis retrouvée toute seule devant la télé à zapper. C'est là que je suis tombée sur Everest, qui avait déjà commencé depuis plus d'une demi-heure. Là je me suis dit : "Oh non, encore un film apocalyptico-catastrophique avec des centaines de morts plus spectaculaires et horribles que les autres, le genre de blockbuster américain qu'on nous bombarde régulièrement pendant l'année." Je suis restée sur la chaîne en mode "mouais" pendant que mes pâtes cuisaient. Et en fait...
Ce film m'a captivée. Ce film m'a émue. Ce film m'a fait passer des heures sur internet pour en apprendre plus sur l'Everest et les grimpeurs qui tentent son ascension. Ce film m'a furieusement donné envie de lire les livres sur lesquels il était basé. Ce film, je l'ai déjà revu trois fois.
Car j'ignorais que c'était une histoire vraie et pas un blockbuster. Et de toute façon ce film n'avait pas vocation à en être un. Une réalisation simple, puissante, qui réussit sans soucis et avec peu d'artifices à véhiculer la dangerosité d'une telle expédition, qui montre de manière élémentaire la tragédie, le tout, surtout, sans aucun chichi. Un film fort, poignant, qui ne laisse pas indifférent. Un docu-fiction magistral et réussi.
Après la lecture, on remarque effectivement que de nombreux points ont été lissés. Il est par exemple très peu fait mention des autres expéditions présentes ces jours-là sur la montagne, celles-ci n'apparaissant plus ou moins vraiment que lors de la réunion organisée par Rob Hall pour tenter de désengorger le chemin qui mène au sommet (scène qui a toute son importance mais qui est bien plus symbolique dans le livre, lequel, bien évidemment, développe plus clairement tous les tenants et les aboutissants de tel ou tel évènement). Certains protagonistes ont été effacés, notamment de nombreux clients et guides de l'expédition de Fischer.
On sent également moins le poids du temps passé et les incroyables efforts fournis avant l'ascension finale (mais bon, en 2h de film, comment résumer 300 pages bien détaillées ? Il faut aller à l'essentiel...), tout comme les allusions aux malaises des grimpeurs restent des allusions quand Krakauer insiste sur de nombreuses pages dans quels piteux états presque tous se trouvaient dès les premières hautes altitudes, au camp de base.
A la lecture du livre de ce dernier, on comprend très vite que cette adaptation ne se base pas que sur ce livre-ci mais également sur d'autres témoignages, afin de pouvoir combler des manques narratifs et évènementiels. Je pense notamment au livre de Beck Weathers Laissé pour mort à l'Everest (voilà pourquoi ce personnage a un rôle bien plus développé que celui d'autres clients comme Yasuko Namba), et certainement celui du guide de Fisher, Anatoli Boukreev. Ce scénario développant plus ou moins tous les témoignages écrits est judicieux, même s'il fait des coupures.
Mais surtout, ce scénario nous propose des hypothèses sur les circonstances de la mort de Doug Hansen et Andy Harris absolument bouleversantes mais totalement crédibles. Effectivement ce film a son lot de morts (et encore, moins que dans le livre !), mais celles-ci n'ont rien du grand cinéma, encore une fois puisque ce n'est pas un film catastrophe comme on l'entend de nos jours, type 2012 ou San Andreas. Elles sont terribles et effroyables dans leur simplicité.
C'est une expédition qui a fait beaucoup couler d'encre, et beaucoup de choix fatals ont été questionnés après coup. Le livre de Krakauer a évidemment le mérite supérieur de préciser et développer tous les évènements, le film laissant plus la place à la réflexion personnelle, sans aucun doute moins poussée. Mais les deux se complètent assurément.
Parenthèse coup de gueule : un article paru dans Elle à l'époque de la sortie du film tague stupidement ce dernier de machiste vu que les femmes sont peu représentées ou cantonnées aux rôles des épouses qui attendent sagement à la maison ou gèrent le camp de base, se plaignant que les deux seules femmes participant à l'ascension soient peu développées. Mais cette rédactrice savait-elle que c'était une histoire vraie avec une majorité de participants masculins ce jour-là avant de sortir son féminisme à deux balles cinquante probablement payé à la demande ? Si elle s'était renseigné un peu et avait par exemple ouvert un livre, elle aurait appris que peu de femmes ont gravi le mont et sont parvenues au sommet, et que si elle voulait relever le niveau, elle n'avait qu'à la faire elle-même l'ascension, si elle n'a pas peur de crever !! Qu'elle salue la force et le courage de quiconque entreprenant ce risque fou au lieu de se plaindre indûment !!! (fin de la parenthèse coup de gueule)
La photographie est superbe, les acteurs sont convaincants et le montage intelligent. C'est une histoire en général qui fait beaucoup réfléchir et ne laisse absolument pas indifférent. J'invite les spectateurs à vraiment se tourner vers les différents ouvrages pour mieux approfondir toutes les circonstances de ce drame malheureusement pas unique sur le toit du monde.
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