Avec ce film d'animation, les studios Dreamworks confirment qu'il ne fallait pas les enterrer aussi tôt. 2 ans après Dragons et pendant la dure période en chute libre de Pixar, ils sortent Les Cinq légendes, film adressé essentiellement aux enfants mais qui oublie de les prendre pour des imbéciles. Et ce n’est pas la moindre des immenses qualités de ce spectacle. C'est un film né sous de bonnes étoiles et qui exploite pleinement son pedigree exceptionnel, tout en n’échappant pas à quelques fautes imputables à sa cible principale et à quelques égarements du côté de la structure du récit. Mais dans l’ensemble, c’est grand, voire très grand. Les Cinq légendes, c'est avant tout un film ample, qui va multiplier les trajectoires de personnages et qui construit l’essentiel de son intrigue sur l’imaginaire lié à l’enfance. La réinvention des légendes enfantines ( le Père Noël, la fée des dents, le lapin de Pâques et le marchand de sable ) est ici un véritable moteur de la narration, et non un effet cynique et comique comme pouvaient les mythes et légendes de Shrek. Sans l'imaginaire des enfants, ces mythes n'existent pas. C’est cela qui les autorise à exister, la foi des enfants en cet univers imaginaire, et c’est précisément ce que vient remettre en cause le bad guy du film, Pitch Black. Donc derrière le divertissement finalement très enfantin se glisse une vaste réflexion sur la mécanique de l’enfance, une réflexion passant par la matérialisation de l’imaginaire : les rêves. Les Cinq légendes aborde ainsi ce thème et en fait son moteur central. Le film réussit aussi quelque chose d'admirable pour ce qui est de la représentation de la peur, grâce à une approche très intelligente de l’opposition entre le bien et le mal qui ne se limite pas à un contraste noir et blanc. Pitch Black est le personnages qui va transformer Jack Frost et lui permettre de croire en lui avant de montrer aux enfants qu'il existe bel et bien. De plus, tous les personnages secondaires sont jamais oubliés et héritent tous d’un développement précis et riche. L’ampleur de ces thèmes, universels et puissants, dépassant allègrement le cadre d’un récit balisé, permet de passer outre de grossières erreurs de script lors de la résolution. Car, en effet, le dernier acte est le maillon faible des Cinq légendes : incohérences et petites facilités d'écritures. Mais la logique des évènements qui s’y déroulent s’avère purement symbolique, réfutant ainsi une approche purement cartésienne de la trame principale. Les Cinq légendes est aussi absolument magnifique dans son esthétisme et dans le décor : on peut sentir la patte de Guillermo Del Toro qui n'est pas le dernier à savoir impressionner le public. De la tanière du lapin au monde des fées, en passant par la demeure du Père Noël et l’abîme de Pitch Black, la direction artistique se situe à un niveau qui force le respect. Et cette richesse n’est jamais purement illustrative, chaque détail s’impliquant dans un cheminement narratif, avec par exemple l’idée fonctionnelle des dents collectées par les fées qui influe directement sur la progression dramatique du film. Les Cinq légendes est donc un vrai petit paradis pour les enfants, qui cache une réflexion certaine sur les rêves et l'imaginaire. De toute beauté, le film s’avère aussi efficace dans la grandiloquence que dans l’intime, à l’image d’une séquence essentielle se déroulement uniquement dans une chambre d’enfant, le lieu de développement de l’imaginaire par essence.