Outre de nombreux courts-métrages et documentaires, Daniele Cipri et Francesco Maresto ont réalisé trois longs-métrages de fiction : L'Oncle de Brooklyn (1995), Toto qui vécut deux fois (1998) et Le Retour de Cagliostro en 2003, dans lequel Robert Englund tient le rôle titre. Inclassables, provocateurs, enfants terribles du cinéma italien, ils sont considérés comme les cinéastes parmi les plus originaux de leur pays. Ils se déclarent "fermement révoltés contre la médiocrité du cinéma italien contemporain, ses comédies hypocrites et narcissiques au flot ininterrompu de paroles, et surtout ses films politiques qui se veulent dénonciateurs de l'injustice." Les deux réalisateurs, "qui rejettent les paresses narratives, ne sont pas préoccupés par l'écriture d'un scénario bien construit et porteur de sens", préfèrent privilégier l'improvisation, les longs plans fixes, les silences, le noir et blanc, les dialectes, les paradoxes et provocations.
Totò qui vécut deux fois a été montré en sélection officielle à Berlin en 1998, puisinterdit en Italie avant même sa sortie, notamment en raison de son caractère blasphématoire : "Ce film est une attaque contre le sacré, contre l'homme. Rien ne peut être coupé. Il s'agit d'un non message, inutile et pervers, totalement négatif" a déclaré l'un des censeurs. Le duo de réalisateurs, Daniele Cipri et Francesco Maresto, répliqua : "Notre film est un film religieux avec un sens du sacré tout autre que le blasphème. Certes, notre messie est de Palerme, il n'a rien de traditionnel". Leonardo Ancona, psychologue et président de la commission de censure, ajouta que le film était "une offense contre le peuple italien et contre l'humanité toute entière", et que les réalisateurs étaient "deux psychopathes qui haïssent le monde". Traînés en justice, Daniele Cipri et Francesco Maresto reçurent le soutien de nombreux cinéastes : Bernardo Bertolucci, Marco Bellocchio, Mario Monicelli ou encore Mario Martone. Cette affaire se retourna finalement contre les détracteurs du film : face au tollé générale que provoqua l'interdiction pure et simple du film, la censure cinématographique fut abolie. Totò qui vécut deux fois sortira en salle six mois plus tard, mais frappé d'une interdiction au moins de 18 ans. Dans un dernier sursaut vindicatif, des bataillons de catholiques fanatiques se plantèrent alors devant les cinémas, empêchant les spectateurs de voir le film. Au total, le procès intenté contre le producteur, aux réalisateurs et au co-scénariste, qui furent accusés d'outrage et de tentative de fraude contre l'état, dura deux ans. Durant ce lap de temps, ces derniers furent privés de toute subvention pour leurs projets en cours et à venir.
La piété du metteur en scène italien Franco Zeffirelli est de notoriété publique. Il avait d'ailleurs réalisé François et le chemin du soleil qui retrace la vie de Saint François d'Assise, et surtout Jésus de Nazareth, un téléfilm tourné comme une superproduction, en 1977. En 1988, il avait ouvertement critiqué La Dernière tentation du Christ, que Martin Scorsese venait présenter à la Mostra de Venise, en même temps que son long métrage, Toscanini. Alors que la polémique autour de Toto qui vécut deux fois enflait, peu après sa projection au Festival du film de Berlin en 1998, Franco Zeffirelli déclara : "Je dois confesser, du fond du coeur, ma tristesse et mon malaise devant un tel cinéma dénué de toute forme de sentiment et de valeurs. Dans quelle société vivons nous ? "Pourquoi produit-on donc de tels films ?" devrait être le coeur de la question. C'est quelque chose qui est profondément contre l'humanité, la société et les valeurs fondamentales de l'homme et je pense que dans un cas comme celui-ci, la censure totale est nécessaire. Et en ce qui me concerne je n'irai pas voir ce film car je sais déjà de quoi il est question, et je ne veux pas salir mon regard."
La parole à Daniele Cipri et Francesco Maresto : "L'emploi exclusif du noir et blanc est dû à notre commune passion pour le cinéma classique, américain en particulier, et au fait que nous n'aimions pas la couleur vidéo. Le noir et blanc deviendra une constante, parce qu'en travaillant à Palerme, avec ces personnages, ces hommes, il était très facile de tomber dans la vulgarité ou dans la platitude la plus absolue. Le problème (mais ça, on peut le dire maintenant, a posteriori) était de partir du réalisme pour le transcender et lui conférer une dimension abstraite, un peu métaphysique, absurde. Le noir et blanc permet de manière admirable de saisir cette dimension-là... En plus de toute une série d'autres éléments : la manière de montrer les choses, le découpage, le plan, les acteurs... Mais c'est vrai que le noir et blanc donne une touche particulière. Il y a des corps qui sont là, évidents, ce sont des corps qu'on pourrait mettre nus dans n'importe quel documentaire, dans n'importe quel journal télévisé. Mais de cette manière, avec cette conscience, ce regard, les personnages dépassent leur propre matérialité, ils deviennent énormes, épiques." Il faut également souligner que c'est aussi un hommage à Pier Paolo Pasolini et son travail effectué sur l'un de ses chefs d'oeuvres : L'Evangile selon Saint Matthieu.