Le film s'est vu décerner le Grand Prix du premier festival international du film policier de Beaune en 2009, prenant le relai après les 25 ans d'existence du festival du film policier de Cognac. Dans son discours de remerciement, Bertrand Tavernier a tenu à rendre hommage à son vieil ami et acteur Philippe Noiret, décédé en 2006. Le cinéaste souhaitait en effet lui dédier le film, en grand amoureux du roman noir et de James Lee Burke en particulier. Dans la brume électrique avec les morts confédérés était d'ailleurs son préféré chez l'auteur. Pour la petite histoire, le cinéaste n'a pas pu mettre sa dédicace dans son film : "A philippe Noiret, qui aimait tant les romans de James Lee Burke". Les toutes puissantes DGA (Director's Guild of America) et WGA (Writers Guild of America) lui ont signifié que s'il faisait cela, cela diminuait les status du metteur en scène et des scénaristes...A grands regrets, Bertrand Tavernier a dû renoncer à son intention.
Dans la brume électrique a été présenté en compétition au 59e Festival de Berlin. Il a également été sélectionné pour la première édition du festival de Beaune.
Figure emblématique du cinéma français, Bertrand Tavernier n'en est pas moins un grand connaisseur de la culture américaine en général, et du cinéma américain en particulier. Auteur d'un livre d'entretiens avec les grands d'Hollywood intitulé Amis américains, il a fait tourner Harvey Keitel dans La Mort en direct en 1980, a co-réalisé en 1983 avec Robert Parrish un documentaire sur le blues (Mississippi Blues), signé en 1986 une lettre d'amour au jazz à travers le film Autour de minuit. Sorti en 1981, Coup de torchon est l'adaptation d'un polar de Jim Thompson, mais l'action a été transposée en Afrique. Dans la brume électrique est son premier film de fiction tourné aux Etats-Unis... même si son financement est français.
Bertrand Tavernier explique pourquoi il a eu envie d'adapter ce roman de James Lee Burke : "Je suis un grand admirateur de son oeuvre depuis des années et cela faisait un moment que je souhaitais adapter un des livres de la série Dave Robicheaux. Je partageais cette passion avec Philippe Noiret. Mais j'ai un moment hésité entre Dixie City et Dans la brume électrique avec les morts confédérés" et j'ai finalement choisi ce titre. J'entends Philippe me dire : "C'est celui avec le général ? Il est magnifique". J'avais contacté Burke pour acquérir les droits du livre et il m'avait dit que c'était celui dont il était, à l'époque, le plus fier."
Le film ajoute un facteur qui ne figurait pas dans le roman paru en 1993 -et pour cause...- : le passage de l'ouragan Katrina en Louisiane en 2005. "(...)j'étais persuadé qu'à partir du moment où on tournait en Louisiane – et il n'a jamais été question de tourner ailleurs –, il fallait inclure la catastrophe de Katrina et ses conséquences", souligne Bertrand Tavernier. "Il était donc nécessaire de situer l'histoire de nos jours. Cela renforçait l'histoire et l'atmosphère. Et cela donnait une vraie résonance aux activités criminelles de Balboni : la Mafia a volé des centaines de millions de dollars après Katrina." Tommy Lee Jones ajoute : "En cela, Dans La Brume électrique est un film politique, au sens le plus noble du terme. Mais le propos n'est jamais didactique : Bertrand fait allusion à la gestion désastreuse de la catastrophe par l'Etat fédéral et à la manière dont la mafia en tire profit. J'aime beaucoup cette dimension-là du film.""
Interviewé au Festival de Berlin par AlloCiné, Bertrand Tavernier confiait que Tommy Lee Jones s'était montré très interventionniste pendant le tournage : J'ai du faire 30 sessions de travail avec lui dans différents États. Je l'ai suivi au Nouveau-Mexique quand il tournait le film de Paul Haggis, en Floride quand il faisait des matchs de polo... Il coupait, il réécrivait... Un jour, il est venu avec une idée qui ne me plaisait pas. Je lui ai dit : " Je ne veux pas de ça, et si vous insistez je quitte le film." -"Bertrand, on n'en reparlera plus", m'a-t-il répondu." Ces relations tendues n'empêchent pas le cinéaste de redire son admiration pour le comédien, ni de sourire avec tendresse en évoquant la raison pour laquelle celui-ci dit s'être senti proche de Robicheaux : "Le père du personnage meurt sur un puits de pétrole, or le père de Jones travaillait aussi sur un puits de pétrole. Il m'a confié : "J'ai passé toute mon enfance à attendre que mon père rentre du travail, dans la peur d'un accident."
Pour l'adaptation, Bertrand Tavernier a travaillé dans un premier temps avec Jerzy Kromolowski et Mary Olson, qui avaient notamment écrit le script de The Pledge. Insatisfait par certains aspects de leur scénario (notamment la fin), il a ensuite écrit une autre version avec James Lee Burke lui-même. Enfin, Tommy Lee Jones a apporté sa propre contribution, écrivant totalement certaines scènes, comme celle de la pêche.
Bertrand Tavernier brosse un portrait du flic Dave Robicheaux : "Dans le roman noir, Robicheaux est pour moi l'une des plus belles créations littéraires depuis Philip Marlowe. C'est un personnage extraordinairement attachant et complexe, hanté par son passé, cherchant à protéger le monde dans lequel il a grandi qui est aujourd'hui attaqué par des hommes cupides et malfaisants. C'est un homme qui a de grands principes moraux, mais qui est traversé par des éclats de rage : il est animé par une colère rentrée contre l'injustice et l'ignominie de certains personnages. Il incarne pour moi cette notion de décence ordinaire définie par George Orwell qui voyait en elle le vrai ciment de la démocratie : la décence (...) il se fie surtout à son instinct et à sa profonde connaissance des gens et de leurs habitudes, du passé, de l'Histoire de la région. Il procède plus comme Maigret que comme un flic des Experts. Il lui arrive aussi de sortir de la légalité. Il a ses zones d'ombre, cette rage rentrée, cette colère contre ceux qui détruisent ce à quoi il croit et c'est ce qui le rend très touchant. Il a aussi en lui cette culpabilité engendrée par sa foi catholique."
Film d'atmosphère, Dans la brume électrique a exigé du réalisateur qu'il s'imprègne de la culture locale. "J'ai baigné dans le Zydeco et la chanson cajun, j'ai tentéd'absorber ce qui fait le prix de cette culture pour mieux la respecter", raconte Bertrand Tavernier, qui poursuit : "J'ai constaté à quel point plusieurs personnes que j'ai rencontrées en Louisiane étaient offensées par le traitement hollywoodien de leurs coutumes, et notamment de leurs accents (...) Je me suis donc dit que la première exigence du film, c'était de respecter la manière d'être des habitants de la région et d'être attentif à leur vocabulaire et à leurs attitudes. De regarder en face la beauté et la misère. De même, je tenais à l'exactitude des lieux et je voulais donc tourner à New Iberia, là où se déroule le livre, pour montrer que les personnages sont enracinés dans une culture précise. Par souci d'authenticité, j'ai aussi demandé à l'adjoint du shérif, au shérif, au coroner de nous servir de conseiller technique."
Le rôle de Hogman Patin est interprété par le grand bluesman Buddy Guy, et le général a les traits de Levon Helm (qui jouait déjà dans Trois enterrements), ancien batteur de The Band. Ces deux idées de casting ont été soufflées par Tommy Lee Jones.
Un général-fantôme de la guerre de Sécession fait des apparitions dans le film. Bertrand Tavernier explique : "Ce qui m'a toujours intéressé chez Burke, c'est son rapport au passé : il explique qu'en Louisiane, le passé conditionne le présent. Pour lui, le fait que les gens n'aient pas osé affronter la question raciale, dès la guerre de Sécession, n'aient pas fait d'examen de conscience, provoque aujourd'hui le crime et la corruption. "Le passé n'est pas mort, il n'est pas encore passé", dit Burke après Faulkner (ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "le Faulkner du roman noir"). Chaque acte de violence en Louisiane a des sources dans le passé. C'est un thème que j'ai souvent exploré dans mes films et je me sentais donc là-dessus en terrain de connaissance."
Bertrand Tavernier a fait appel à des collaborateurs dont il a apprécié le travail sur... Trois enterrements, le film réalisé par son acteur, Tommy Lee Jones. C'est le cas de la décoratrice Merideth Boswell et du compositeur Marco Beltrami. Ajoutons que les deux films partagent le même monteur, Roberto Silvi, et le même producteur Michael Fitzgerald, à qui on doit aussi The Pledge ou Au-dessous du volcan.
L'oeuvre de James Lee Burke avait déjà donné lieu à deux adaptations, l'une pour le grand écran, Vengeance froide de Phil Joanou avec Alec Baldwin dans le rôle de Dave Robicheaux (1996), l'autre pour le petit écran, Two for Texas avec Kris Kristofferson (1998). Avec Bertrand Tavernier, l'écrivain a joué un rôle de conseiller : "Il nous a vraiment servi de guide à New Iberia. C'est grâce à lui, par exemple, que j'ai déniché le " bait shop " qui joue un rôle si important dans les livres (...) Il m'a aussi présenté plusieurs shérifs à qui j'ai posé pas mal de questions pour savoir si, en actualisant l'intrigue, les péripéties tenaient toujours la route : je voulais m'assurer que la violence entourant le personnage de Balboni était encore d'actualité et la réponse a été plus qu'affirmative."
Sur le tournage, le seul Français, en dehors de Bertrand Tavernier, était le chef-opérateur Bruno Keyser. Ce film marque leur cinquième collaboration, la première remontant à Un dimanche à la campagne en 1984 (dont la photo avait été récompensée par un César).
Le film n'a pas bénéficié d'une exploitaion en salles aux États-Unis, les producteurs américains ayant décidé de le sortir directement en DVD.
Dès l'élaboration du projet, Bertrand Tavernier a décidé de tourner son film aux Etats-Unis avec un producteur américain (Michael Fitzgerald). Mais ce dernier ne s'imaginait sûrement pas que les divergences avec ses partenaires auraient pour résultat la sortie de deux versions du film.
En effet, durant le tournage le cinéaste s'est notamment vu reprocher par la production de ne pas filmer suffisament de plans insistant sur certains points ou de tourner des scènes en une seule prise... Mais le summum de leur désaccord a été au moment du montage. Le travail du monteur américain Roberto Silvi ne convenait pas à Bertrand Tavernier, après plusieurs disputes ce dernier a donc décidé de rentrer en France et de confier le montage à Thierry Derocles (avec une allonge de frais). La version américaine du film est montée par Silvi sous la surveillance du producteur américain tandis que la version française présentée dans les divers festivals est celle souhaitée par Tavernier et montée par Derocles.
Il existe donc 2 versions de ce film, une plus courte pour les Etats-Unis, sortie directement en DVD et sans voix-off et une pour la France plus longue de 15 minutes avec une voix-off dont les répliques ont d'ailleurs été travaillées avec l'auteur du roman. La version de Tavernier est celle visible dans le monde tandis que la version américaine est la seule diffusée (en DVD) aux Etats-Unis.
Si vous avez vu le film en version française, la voix de Tommy Lee Jones vous a sûrement rappellé celle d'un comédien français. Bertrand Tavernier cherchait une autre voix que le doubleur d'origine de son comédien. Il souhaitait une voix plus marquée... Le mixeur du film lui a alors parlé de Jean-François Stévenin, le cinéaste lui a montré le film et ce dernier a été tout de suite emballé.