Angel a été présenté en clôture du Festival de Berlin en 2007.
François Ozon a lu le roman Angel "cinq ou six ans" avant de le tourner. N'osant pas se lancer immédiatement dans ce projet ambitieux -un mélodrame en costumes et entièrement en anglais-, il a néanmoins souhaité réaliser un film inspiré par l'univers de la littérature anglaise -le résultat fut Swimming pool. Le cinéaste explique ce qui l'a séduit dans le livre de Taylor : "j'ai tout de suite senti que l'adaptation de ce livre était l'occasion de me confronter à un univers romanesque et que cela pouvait donner lieu à une grande épopée, dans la tradition des mélodrames des années 30-40, racontant la destinée d'un personnage flamboyant sous forme de “rise and fall” (grandeur et décadence). Et puis je suis tombé amoureux du personnage d'Angel, qui m'amusait, me fascinait et finalement me touchait profondément. J'ai donc demandé à mes producteurs d'acheter les droits (que je pensais d'ailleurs pris aux États-Unis)."
Après Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, inspiré d'une pièce de Rainer Werner Fassbinder, c'est la deuxième fois que François Ozon signe une adaptation littéraire. Angel est un roman de l'écrivain anglais Elizabeth Taylor, née en 1912 et décédée en 1975. Paru en Grande-Bretagne en 1957, Angel est le premier de ses ouvrages a avoir été publié en France, en 1991. Avant Angel, on ne compte qu'une adaptation cinématographique de l'oeuvre de Taylor, il s'agit de Mrs. Palfrey at the Claremont de Dan Ireland (2005). Signalons cependant que Jean-Pierre Améris, l'auteur de C'est la vie et des Aveux de l'innocent avait réalisé pour le petit écran un film tiré de ce même livre, et intitulé Madame Dubois - Hôtel Bellevue, avec Micheline Presle.
Pour son premier film en anglais, François Ozon a choisi de confier le rôle principal à une comédienne peu connue : Romola Garai. Née à Londres en 1982, elle joue le rôle principal de Dirty dancing 2 aux côtés de Diego Luna en 2004. Quelques mois avant la sortie de Angel, on a pu l'apercevoir en copine de Scarlett Johansson dans Scoop de Woody Allen. Le cinéaste confie que ce qui l'a convaincu, c'est le fait que "Romola avait l'intelligence du rôle". Il précise : "Elle n'avait pas peur de ladimension parfois grotesque d'Angel et savait apporter une séduction, une candeur, avec ses grands yeux d'enfant rêveuse. Et elle aimait beaucoup le personnage. Ce qui n'était pas le cas de toutes les actrices."
Nicole Kidman fut pressentie pour jouer le rôle d'Angel.
L'une des particularités du livre (et du film) tient dans la personnalité de son héroïne, fantasque, insolente... voire antipathique. Le cinéaste reconnaît que cet aspect de l'histoire a constitué un vrai défi pour lui : "Dans le roman (...), le personnage est souvent grotesque, le regard sur elle, ses livres et son comportement est très ironique. Taylor reconnaît sa capacité à écrire, à avoir du succès, mais se moque beaucoup d'elle et la décrit comme étrange et laide. Il ne me semblait pas possible d'accompagner un personnage aussi franchement négatif pendant deux heures, alors qu'à la lecture la cruauté passe beaucoup mieux. Il fallait que l'on soit aussi charmé par elle, que l'on puisse s'attacher à elle sans gommer pour autant son côté insupportable ou une certaine forme de méchanceté. Scarlett O'Hara m'est tout de suite venue en tête, un personnage que, comme disent les Anglais : “you love and hate at the same time”. Je voulais qu'Angel soit consciente de sa séduction et qu'elle joue avec ce pouvoir, notamment avec l'éditeur et Nora. Mon Angel est certainement plus manipulatrice que celle d'Elizabeth Taylor. Mais elle l'est de manière joyeuse et amusante, pas du tout perverse."
Elizabeth Taylor s'était inspirée pour le personnage d'Angel de Marie Corelli (1855-1924), auteur de romans à l'eau de rose, très populaire de son temps (la Reine Victoria elle-même était une fervente lectrice de ses ouvrages) même si la critique n'était pas tendre avec elle. Depuis, Marie Corelli est tombée dans l'oubli.
Le rôle de la femme de l'éditeur est tenu par Charlotte Rampling, la comédienne qui doit à François Ozon son spectaculaire comeback en 2000 avec Sous le sable et qui joua ensuite le rôle d'une romancière anglaise dans Swimming pool en 2003. "C'était important que Charlotte (...) soit là pour mon premier film en anglais, confie le réalisateur qui ajoute : "C'est vraiment par amitié qu'elle a accepté de jouer ce petit rôle, qui adopte le point de vue dubitatif du public."
Dans la version française du film, Romola Garai est doublée par Ludivine Sagnier, actrice-fétiche de François Ozon, qui la révéla dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, la fit chanter dans 8 femmes, puis la dirigea en anglais dans Swimming pool.
Après avoir dirigé Maud-Françoise Fabian dans 5x2 puis Melvil Poupaud et Marie Rivière dans Le Temps qui reste, François Ozon a encore fait appel à une actrice "rohmérienne" : il s'agit cette fois de la Britannique Lucy Russell, qui fut en 2001 l'héroïne de L'Anglaise et le Duc et incarne ici Nora. Rappelons que, durant ses années de formation, François Ozon avait suivi des cours d'Eric Rohmer à l'Université... "J'ai vu beaucoup de monde pour Nora," se souvient Ozon. "Pendant les essais, je me suis rendu compte que beaucoup d'actrices avaient surtout envie d'être Angel (...) Quand [Lucy Russell] est venue faire les essais, elle portait de grosses lunettes avec des verres double épaisseur, elle avait les cheveux tirés en chignon, elle était habillée comme une vieille fille. Elle venait vraiment pour le rôle !"
François Ozon parle du personnage-clé de Nora, la soeur d'Esmé, elle aussi fascinée par Angel: "Dans le livre, il y avait déjà une homosexualité latente, mais Nora était décrite comme très laide, avec de la moustache. J'avais envie de sortir le personnage de son côté frustré, fille dans l'ombre, soeur un peu ingrate et aigrie. J'avais envie qu'elle ait une part de séduction, qu'elle ne soit pas que passive et ne trimballe pas cette image d'esclave ou de bouc émissaire classique dévoué corps et âme à un créateur démiurge. Dans le film, Nora dit la vérité à Angel au sujet de la maîtresse de son frère. Alors que dans le livre, elle la protégeait de la vérité afin de la garder pour elle."
Angel, écrivain à succès et sûre d'elle, et Esmé, peintre ignoré mais intègre ont un rapport à l'art très différent. "(...) au final peut-être est-ce lui qui, en avance sur son temps et d'une grande intégrité, passera à la postérité", note le réalisateur, "alors qu'Angel qui a eu la force de croire de son vivant en son art, portée par son absence de doute, sombrera dans l'oubli. Toutefois, on ne pourra pas lui enlever une chose : elle a touché les gens de son époque et les a fait rêver." Sur cette question, où se situe l'artiste François Ozon ?"Pour moi, l'important est de pouvoir créer ici et maintenant. Que mon oeuvre résiste ensuite au temps ? Je ne me pose pas la question, cela me paralyserait. L'art traverse les siècles, mais il est aussi fait pour être consommé de son vivant. Je me reconnais dans la frénésie d'Angel, sa volonté de faire. Son pragmatisme lui permet de sortir de sa condition sociale. Son art est au service de sa vie."
Angel est une coproduction franco-belgo-britannique. Les séquences retraçant les premières années de la vie de l'héroïne à Norley ont été tournées dans des quartiers pauvres de Belgique. En revanche, la demeure Paradise House se situe bien en Angleterre : l'équipe a tourné dans le château de Tyntesfield, près de Bristol.
En réalisant ce mélodrame, le cinéphile François Ozon avait à l'esprit les classiques hollywoodiens du genre. C'est ainsi que pour la musique, il a pensé aux partitions de Frank Skinner pour Douglas Sirk. Il a même songé à les réutiliser dans son film mais, craignaient que ces musiques soient "ressenties de manière ironique et distanciée", il a finalement fait appel à Philippe Rombi, avec qui il avait déjà travaillé sur trois de ses précédents films. La décoratrice Katia Wyszkop explique que la référence majeure dans son travail a été "le film de Mervyn LeRoy Les Quatre Filles du Dr March, magnifique réalisation entièrement faite en studio, avec de très belles scènes enneigées." Elle ajoute : "Par ailleurs, j'ai passionnément visionné Le Château du dragon de Joseph L. Mankiewicz pour le château rêvé par l'héroïne, La Splendeur des Amberson d'Orson Welles pour les perspectives dans les constructions, Autant en emporte le vent de Victor Fleming pour la richesse et la variété des décors, et Gigi de Minnelli pour la liberté et l'audace dans l'utilisation des couleurs." La costumière Pascaline Chavanne ajoute une autre référence cinématographique : Le Temps de l'innocence de Martin Scorsese.
François Ozon parle du travail de reconstitution, et des libertés qu'il a prises : "Il était important d'être dans le réalisme au début, de montrer ce réel dont la jeune femme veut s'extraire (...) quand Angel s'installe à Paradise House, les références et le réalisme de la reconstitution disparaissent (...) il fallait entrer dans le monde imaginaire d'Angel, l'accompagner et partager son mauvais goût de petite fille, un peu comme dans les châteaux de Louis II de Bavière (...) Pour [les Anglais] les reconstitutions historiques ont un côté désuet et académique. J'avais envie de casser cette image, d'essayer quelque chose de moins guindé et j'ai d'ailleurs pris des libertés avec les recommandations de mes conseillers anglais. Par exemple, le cercueil ouvert à l'enterrement d'Esmé : c'est une tradition méditerranéenne impensable dans une église protestante anglaise. Je l'ai quand même filmé, car il s'agit là d'une mise en scène d'Angel, qui se moque des conventions sociales."
Le chef-opérateur Denis Lenoir parle de l'implication très forte de François Ozon sur le tournage : "François, et en cela il est bien l'héritier des Sternberg, Cukor ou Minnelli, est vraiment le directeur artistique de ses films. Et cela depuis la conception générale et les indications données à ses collaborateurs de création jusqu'au moindre détail dans l'exécution du décor et des costumes. Il n'y a pas un plide rideau, la nuance d'une doublure ou la courbe d'une mèche de cheveux qu'il n'examine avec soin. Cela d'ailleurs justifiant si besoin était sa place derrière la caméra : de là rien nelui échappe. Du coup le travail pour moi, même quand cela avait à voir avec le décor ou les costumes, passait directement par lui."
Après avoir travaillé à plusieurs reprises avec la romancière Emmanuèle Bernheim, François Ozon a cette fois fait appel à un fameux dramaturge britannique, Martin Crimp, qui a adapté les dialogues en anglais. Né en 1956 dans le Kent, Crimp est l'auteur de pièces dans lesquelles il observe ses contemporains avec ironie : Dealing with Clair, Getting attention, The Treatment (Le Traitement, monté à Chaillot par Nathalie Richard en 2002) ou encore The Country (La Campagne, monté par Louis-Do de Lencquesaing avec Christine Boisson en 2003). Francophile, il a également adapté en anglais des auteurs tels que Molière ou Marivaux.
Les tableaux d'Esmé sont l'oeuvre de Gilbert Pignol, peintre qui avait déjà signé des toiles pour le film Van Gogh - l'idée est venue de la décoratrice Katia Wyszkop, qui avait travaillé sur le long métrage de Maurice Pialat en 1991.
Initialement, François Ozon avait pensé intituler son film Paradise, en référence à l'imposante demeure dans laquelle vit l'héroïne.