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    Chloë Moretz, de retour avec Come as you are [INTERVIEW]
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Après s'être éloignée des plateaux pendant 1 an, Chloë Moretz est de retour avec Come as you are, un film engagé, traitant des centres de conversion pour homosexuels aux Etats-Unis. Nous avons rencontré Chloë Moretz & la réalisatrice Desiree Akhavan

    AlloCiné : En quoi diriez-vous que ce rôle et ce film, Come as you are, sont particulièrement importants pour vous ?

    Chloë Grace Moretz, actrice : C'est un rôle important pour moi, parce qu'après avoir pris une année loin des plateaux, pour reconfigurer ma carrière et trouver quelle voie je voulais suivre à présent en tant que jeune femme, ce que j'ai envie de transmettre au public ça me semblait très important de raconter une histoire comme celle-là. La question des thérapies de reconversion est un sujet très concret, un problème très actuel.  Je trouve ça intéressant d'être ici à Paris et de voir que c'est un sujet dont on peut parler partout dans le monde. Cela me semble la direction que je veux prendre avec ma carrière. J'aime le fait que ce film soit aussi drôle et léger parfois. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que les jeunes pourront aimer ce film, et c'est très important.  

    De prendre une année sabbatique, ça m'a vraiment permis de mettre les choses en perspective. J'ai toujours essayé de faire des choix qui viennent du cœur. Mais ça a rendu tout ça encore plus important, de ce que j'avais envie d'envoyer comme message au monde entier. Je pense que les films devraient être divertissants, excitants, un moyen de s'évader. Mais j'ai le sentiment qu'aujourd'hui, surtout aux Etats-Unis, avec l'administration avec laquelle on vit en ce moment, si on ne met pas en avant un discours progressiste, alors quel est l’intérêt ? Donc j'ai fait de mon mieux pour trouver des films et des choses qui, parfois même de façon déguisée, derrière la comédie ou la douceur, ont un vrai message. Comme ça, vous rirez, vous pleurerez, mais à la fin, vous serez comme une personne différente. C'est quelque chose de difficile à trouver, mais je m'y emploie au mieux.

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    Votre film aborde un sujet complexe et sensible, mais le film distille de la comédie et de  l'émotion. Il n'en oublie pas d'être un divertissement...

    Desiree Akhavan, réalisatrice et scénariste : Je voulais faire un film sur un sujet à la fois sérieux et émouvant mais qui ne vous donne pas l'impression que vous êtes en train d'avaler un médicament. Je voulais que ce soit sexy par moment, et drôle aussi. Mais c'est comme ça qu'est la vie. Les pires moments de ma vie lorsque j'ai été abusée, étaient en même temps ceux pendant lesquels j'ai reçu le plus d'amour. Ça fait partie des choses qui m'ont gonflé quand j'ai grandi : c'était mal ou bien, c'était de l'abus ou de l'amour… Je pense que c'est une pente glissante. Je pense qu'un film doit montrer cet entre-deux et comment certaines des meilleures choses dans la vie sont aussi les pires.

    Quand elle se rend dans ce centre de reconversion, elle rencontre des ados gays pour la première fois de sa vie. Bizarrement, ça lui donne des pouvoirs, mais c'est aussi un lieu terrible avec les pires abus. Les personnes qui s'en occupent aiment les enfants, et ont donné leur vie pour les aider, mais leur façon d'envisager l'aide n'est pas saine et est abusive. C'est ce qui m'a donné envie de faire ce film. Tout le temps pendant lequel on l'a fait, on se disait 'enlevons de la tension avec de la comédie', 'coupons l'abus avec du sexe'… Montrons constamment que c'est multi-facette. La vie n'est pas qu'une seule chose. 

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    Comment avez-vous découvert le livre dont le film est adapté ?

    C'est une amie qui m'a offert le livre [The Miseducation of Cameron Post de Emily M. Danforth, dont le film est adapté], en 2012. Je l'ai lu et l'ai adoré. Je l'ai immédiatement passé à ma petite amie à l'époque. Je lui ai dit : 'tu dois lire ça'. Elle l'a lu et adoré aussi. Elle m'a dit : 'tu dois en faire un film'. Je trouvais ça trop ambitieux. Je me souviens lui avoir dit : quelqu'un devrait, mais moi j'en serais incapable. Mais ça restait dans un coin de ma tête. J'ai écrit une lettre de fan à l'auteur, elle m'a répondu et on a sympathisé. C'était avant que je fasse mon premier long métrage [Appropriate Behavior, inédit en France, Ndlr.]. Je lui ai dit : 'tiens moi au courant si quelqu'un en prend les droits, mais j'aimerais faire ce film'. Mais je pensais qu'il ne fallait pas que je commence par ce film car j'avais besoin de gagner en expérience. Mais j'y pensais, donc je lui ai dit de me tenir informée. Peut être qu'elle ne prenait pas cette idée aux sérieux, on est restée amies pendant quelques années. Après avoir fait Appropriate Behavior, je me demandais ce que je pouvais faire ensuite. J'ai travaillé avec ma productrice, qui est devenue ma coscénariste sur ce film [Cecilia Frugiuele, Ndlr.]. Je lui ai dit à mon tour de lire ce livre, un jour, parce que je l'adorais. Elle l'a lu et le lendemain, elle m'a dit : 'on le fait'. Elle n'avait aucun doute. Et je l'ai suivie. 

    Avez-vous tout de suite pensé à Chloë Moretz pour ce rôle ?

    Je n'aurais jamais pensé que Chloë accepterait de faire un film comme celui-ci. Je connaissais Chloë dans des films de grands studios et je ne pensais pas que ça pourrait l'intéresser, donc je n'y avais même pas pensé. Chloë était à un stade dans sa carrière, dans sa vie, où elle pensait à faire du cinéma indépendant et a laissé tomber plusieurs gros films mainstream. J'ai eu la chance que mon scénario arrive entre ses mains à ce moment de sa vie. Ce n'était pas un choix auquel j'avais pensé, mais quand j'ai entendu qu'elle était intéressée, ça m'a réjoui immédiatement. J'ai pensé : on aurait jamais imaginé Chloë Grace Moretz dans ce rôle de lesbienne. Elle s'est débarrassée de son glamour pour ce film. Je l'ai vue dans des rôles de jolie ingénue plein de fois, et j'adore l'idée de contre-emploi, quelqu'un de totalement inattendu. Je ne l'attendais pas là, mais elle est tient complément ses promesses. 

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    Et pour le choix de Sasha Lane ? C'était après l'avoir vue dans American Honey sans doute ?

    Tout le monde me parlait de Sasha Lane. American Honey venait juste de sortir. Nous n'avions pas encore choisi l'actrice pour ce rôle. Nous voulions quelqu'un de cool, quelqu'un qu'on admire instantanément. Quelqu'un qui est intelligente mais qui a aussi envie de s'amuser. Quand on est ado, on a souvent quelqu'un comme ça dans notre entourage, pour qui on se dit : j'aimerais être comme elle. C'est quelqu'un d'inspirant. Un certain « je ne sais quoi » que Sasha Lane incarne parfaitement. Je n'avais pas encore vu American Honey et on m'a conseillé de le voir et pense à elle pour le rôle. A mi-parcours du film, j'ai envoyé un message à ma directrice de casting et je lui ai écrit : 'fais une offre, fais une offre ! N'attends pas que je sorte du cinéma'. C'est ce qu'elle a fait, j'étais très enthousiaste. Elle joue quelqu'un de très différent dans ce film, mais c'est le visage le plus irrésistible que j'ai pu voir. 

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    Il y a une très belle scène dans laquelle on peut entendre What's up des 4 non blondes (photo ci-dessus). On a l'impression en la voyant qu'elle n'a fait l'objet que d'une seule prise car on y ressent quelque chose de très spontané…

    Non, ça n'était pas du tout en une prise ! (rires) Je crois qu'en fait ça a été notre jour de tournage le plus difficile. Le jour où l'on a tourné cette scène avec Chloë chantant les 4 non blondes sur une table était le lendemain des élections aux Etats-Unis, quand Trump a été élu. Tout le monde avait le coeur brisé. On pensait tous qu'Hilary Clinton allait gagner. Je me souviens que ce jour là au petit déjeuner un de mes producteurs souriait comme un homme amoureux. Il était content car il se disait que sa fille allait grandir avec une présidente. On avait fait la fête, et petit à petit, plus la nuit avançait, plus il était clair qu'elle n'allait pas gagner. C'était choquant et irréel. On était tous trop naïfs.

    Le jour d'après, on était tous à ramasser à la petite cuillère. On s'est arrêté au milieu de cette scène pour regarder le discours d'Hilary Clinton. Tout le monde pleurait. Chloë avait fait campagne pour Hilary Clinton. Ce qui était fou à propos de Chloë, c'est que tout le monde subissait, mais Chloë et moi devions garder la face, et elle encore plus que moi, puisqu'elle devait sauter sur une table et chanter, comme si c'était le plus beau jour de sa vie. Elle l'a fait, elle y est arrivée. Elle aime son travail et cela m'a aidée à trouver la ressource.

    Et petit à petit, chacun a réussi à se remettre en place. Si on est dans cette situation dans laquelle on se sent démuni, à savoir que nous avons un président qui ne nous représente pas en tant que personne ou sur les idées politiques, alors mettons plutôt notre énergie dans quelque chose qui parle de nous et de ce en quoi on croit. C'était étrange car nous tournions alors que nous étions en pleurs, alors que c'était une scène heureuse. En allant en salle de montage, j'avais vraiment peur que nous soyons passés à côté et ça nous a pris du temps pour la trouver, mais pas à cause de Chloë, pour plein de raisons. A chacune des prises, Chloë était pleine d'énergie.  

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    Outre le Champs Elysées Film Festival, Come as you are a été présenté en début d'année au prestigieux Festival de Sundance. Pouvez-vous nous parler des réactions que vous avez reçu, car c'est probablement le genre dont le public a envie de parler après…

    Quand nous avons présenté le film en avant-première à Sundance, je n'avais encore jamais vécu une projection comme celle-là, pendant laquelle vous avez l'impression que la pièce tient dans la paume de votre main. Quand c'est drôle, les gens rient fort. Quand c'est triste, les gens pleurent. Je n'avais jamais eu ça encore. C'est un vrai témoignage de reconnaissance pour les gens avec qui j'ai fait ce film.

    Quel est votre prochain projet ? Avez-vous déjà commencé à écrire un nouveau film ?

    Je suis en montage actuellement, à vrai dire. Ce n'est pas un film, c'est une série télé. Ça s'appelle The Bisexual et c'est une femme dans la trentaine. C'est une lesbienne qui se révèle en tant que bisexuelle et elle commence à sortir avec des garçons pour la première fois de sa vie. C'est comme un coming out inversé et ça aborde ce sujet tabou qu'est la bisexualité. La série a été produite en Angleterre, je vis à Londres. C'est pour Channel 4 dans le Royaume-Uni, et Hulu aux Etats-Unis. Je ne sais pas encore pour la France mais il faudra que je revienne ici pour essayer de la vendre. C'est risqué, c'est une série un peu coquine, mais on verra comment elle est reçue. Elle sera diffusée en octobre.

     

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