AlloCiné : Cette année, Disneynature fête ses 10 ans. L’heure est au bilan : quels changements ont pu être opérés grâce à ces films selon vous et que reste-t-il à faire ?
Jean-François Camilleri : Le principe des films Disneynature c’est d’aller chercher des histoires qui sont inventées par la nature et de les transcrire sur grand écran en utilisant des techniques innovantes pour faire en sorte que les gens découvrent des sujets, des comportements, des endroits du monde et si possible en tombent amoureux. Pour pouvoir faire évoluer les choses grâce à cette prise de conscience. Alors est-ce que depuis 10 ans on a réussi à le faire ? J’espère que oui. C’est très compliqué à mesurer. Mais on a quand même sorti une dizaine de documentaires au total, soit plus de films que sur les cinquante dernières années, tous producteurs confondus sur ce sujet-là. On a eu beaucoup de succès puisque ce sont des films qui sortent en DVD/VOD et qui sont montrés à la télévision. Et en plus, on a développé des choses autour des films, comme le site Zoom by Disneynature qui permet de donner des informations au quotidien sur la nature. Au départ ce n’était ni gagné, ni forcément l’objectif.
Blue, c’est plus de trois ans de préparation. C’est le même calibre pour les autres films ?
Oui ! Quand on dit trois ans et demi, il y la période du tournage, de préparation et de post-production. Pour Blue on a tourné pendant deux ans, en pointillé, à différents endroits. Ça dépend aussi des saisons. Quand on fait un film comme Félins, on est dans un endroit unique et on y reste deux ans. Dans la nature il y’a deux saisons : celle sèche et celle des pluies. Pour filmer les comportements dont on a besoin, peu importe le film, il faut rester au moins deux saisons de chaque. Mais il y a des documentaires où nous aurons besoin de rester une saison supplémentaire voire deux, parce qu’on n’a pas eu les comportements qu’on voulait. Le principe de Disneynature, c’est de dire aux réalisateurs : "Vous avez le temps dont vous avez besoin. Vous n'êtes pas obligés de me rendre votre copie dans 6 mois parce qu’on veut le sortir le plus rapidement possible pour je ne sais quelle raison".
Donc actuellement il y a deux autres projets en cours de tournage ?
Oui il y a deux documentaires en cours de tournage et un troisième voire un quatrième à qui on a donnés le feu vert et qui sortiront plus tard. Il y a d’abord un film qui se déroule en Antarctique, avec des manchots Adélie, plus petits que les Empereurs mais qui sont très vivaces et très drôles. Et l’autre dans le delta de l'Okavango, au Botswana, au nord de l’Afrique du Sud. C’est un endroit incroyable parce que chaque année au mois d’avril, l’eau monte, le delta se développe sur des milliers d’hectares. Il y a une vie animale qui se créé autour de tout ça, notamment les éléphants, qui seront en guide un peu comme les dauphins dans Blue. Ça va être un grand et beau film sur l’Afrique.
Après Océans, nous retournons dans l’immensité bleue avec Blue. Ce n’est pas osé de faire un nouveau documentaire sur les dauphins, sachant que c’est un sujet récurrent ?
Vous avez raison sur une chose, les documentaires sur les océans il y en a eu trois jusqu’à maintenant. Il y a eu Le Monde du silence de Cousteau (1956), La Planète bleue (2003) et Océans (2010). La manière de filmer l’océan a beaucoup changé. Il y a 8 ans, les drones n’existaient pas par exemple. Là on apporte quelque chose, c’est un film différent. Il y a des surprises, des comportements qu’on a pas vus, il y a des espèces jamais vues sur le grand écran ainsi qu’un discours sur la disparition du corail : 1,5 milliards de personnes sont concernées. C’est aussi assez normal que ce qui représente 70% de la planète puissent avoir quatre films en 50 ans. Les 30 prochaines années vont être clé dans les conséquences que va avoir la maltraitance des océans sur le règne animal.
Revenons justement au calendrier Disney, qui est de plus en plus chargé entre les Marvel, les Pixar, les films live/animés/nature et maintenant les Star Wars. Sans oublier les films français. D’un point de vue marketing, comment vous arrivez à vous adapter en France ? Ce n’est pas une cadence trop ambitieuse ?
Paradoxalement, on n’a pas tant de films que ça. On est pratiquement l’un des distributeurs qui sort le moins de films, on en a une dizaine par an. D’autres en sortent 15, 20, parfois même 25. Ça représente à peu près un film par mois et ce sont des grosses sorties. Donc il y a beaucoup de travail à faire dessus bien évidemment. Mais on a des équipes qui sont bien structurées, différentes ici qu’ailleurs parce que toutes les activités Disney sont intégrées.
En termes d’investissement dans le cinéma français, où en êtes-vous ?
L’idée c’est de faire des films qui nous correspondent. Par exemple Sur le chemin de l’école, Mon maître d’école, Le premier cri… sont des films que peu de distributeurs veulent prendre. Moi ça ne me dérange pas parce que ce sont des long-métrages qui ont du sens et je pars du principe que dans la période dans laquelle on est entré, on a un rôle capital à jouer. On doit utiliser la force de Disney et du cinéma en général ainsi que notre savoir-faire marketing pour faire passer des messages. On n’ira jamais sur la dernière comédie française parce qu’il y a plein de gens qui savent le faire, beaucoup mieux que nous. Et ce n’est pas notre rôle.
Justement, quels sont les prochains enjeux du côté de Disney France ?
Comme vous le disiez très justement, on a Marvel, Pixar, Star Wars, Disney Live Action et Disney Films. Concernant Marvel on a fait des scores extraordinaires sur Black Panther et on a Avengers Infinity War qui sort fin avril. Pour nous c’est un film clé. Il y a aussi Les Indestructibles 2 début juillet, qui est tout aussi important. Sans oublier Solo, le Star Wars, qui sort en mai. En 2019, on va avoir Le Roi Lion et Aladdin en live, Captain Marvel avec une femme super-héros et en fin d’année La Reine des neiges 2 et Star Wars 9. On va aller très fort dans les mois qui viennent et on enchaînera avec une année prochaine incroyable. Il va y avoir d’autres enjeux en général parce que le monde de la télévision évolue tellement vite, celui de la SVOD aussi. Une nouvelle chronologie des médias qui va peut-être arriver, l’autorisation de l’accès à la télévision pour la publicité des films de cinéma. On doit avoir une capacité d’adaptation.