Rappel des faits : Dans une interview accordée au magazine Télérama au début du mois, Xavier Dolan a affirmé que des prix tels que la Queer Palm le "dégoûtait". "Quel progrès y a-t-il à décerner des récompenses aussi ghetoïssantes, aussi ostracisantes, qui clament que les films tournés par des gays sont des films gays? On divise avec ces catégories. On fragmente le monde en petites communautés étanches." Et d'ajouter : "La Queer Palm, je ne suis pas allé la chercher. Ils veulent toujours me la remettre. Jamais! L’homosexualité, il peut y en avoir dans mes films comme il peut ne pas en avoir." Des propos qui ont créé la polémique notamment sur les réseaux sociaux...
Contacté par Allociné, Franck Finance-Madureira, président-fondateur de la Queer Palm a accepté nous donner son point de vue sur cette polémique :
AlloCiné : En tant que président-fondateur de la Queer Palm, que pensez-vous des propos tenus par Xavier Dolan dans Télérama ?
Franck Finance-Madureira : "Je connaissais le point de vue de Xavier Dolan sur les prix et les festivals queer, je n’ai donc pas été très surpris. Ce qui m’a choqué, c’est la question orientée du journaliste -l’emploi du terme « écopé »- (la question était la suivante : "Vous avez quand même écopé d’un étiquetage de cinéaste gay… Et obtenu la Queer Palm, à Cannes, pour Laurence Anyways", Ndlr) et la violence de la réponse. Après, c’est son point de vue et je le respecte."
Xavier Dolan parle d'un prix "ghettoisant". Quelle est votre réponse à ce genre de critique?
"La Queer Palm a depuis ses débuts en 2010 été créée comme un prix de l’ouverture d’esprit puisque le choix du terme « queer » évitait justement d’en faire un prix « ghettoisant » puisqu’il comprend des notions larges : les sujets LGBT bien sûr mais également tout ce qui concerne la marge ou remet en cause les codes de genre.
La Queer Palm a depuis ses débuts en 2010 été créée comme un prix de l’ouverture d’esprit
Cette année par exemple, la majorité des films sélectionnés n’abordait pas l’homosexualité mais plutôt des parcours hors-normes, des questionnements sur la marge, le genre comme Party Girl ou Les Combattants."
Pensez-vous par la suite exclure de fait les prochains films de Xavier Dolan ou cela fera l'objet d'un débat à venir ?
"Les règles de la Queer Palm sont simples : les films sont sélectionnés sur leurs thématiques, puis récompensés pour leurs qualités cinématographiques. Enfin, la personnalité ou la sexualité du metteur en scène n’entre jamais en ligne de compte. Donc je ne pense pas que les positions pro ou anti-prix « queer » soit un critère à prendre en compte."
Avez-vous souvenir par le passé d'un autre cinéaste sélectionné ou primé par la Queer Palm ayant remis en cause de la sorte ce type de prix, ou à votre connaissance, c'est la première fois?
"Le prix est assez récent et si ce genre de démarche est bien comprise dans les pays anglo-saxons, il y a un peu de pédagogie à faire en France pour que les gens comprennent qu’il ne s’agit pas d’une étiquette LGBT mais d’une volonté de mettre en avant un film pour ses qualités cinématographiques avant tout. Tous les réalisateurs sont venus chercher leur prix (à part Dolan) et, je pense que le professionnalisme et le talent des membres du jury permettent également de comprendre qu’il s’agit bien d’un prix de cinéma.
Les plus grosses résistances que nous avons à affronter sont celles des sponsors
Les plus grosses résistances que nous avons à affronter sont celles des sponsors. Le prix a encore du mal à être financé, et les équipes travaillent bénévolement sur ce projet. Seuls un distributeur (Epicentre Films qui nous soutient depuis le début) et des médias tels que Têtu, Yagg.com ou Libération nous soutiennent financièrement ou dans le cadre d’échange de visibilité. C’est un peu triste que nous n’ayons pas encore trouvé de grands sponsors grand public comme c’est le cas pour le Teddy Award à Berlin. Mais le Teddy a été créé en 1987, donc nous devons être patients et motivés !"
Un extrait de "Mommy", le nouveau film de Xavier Dolan, sur les écrans le 8 octobre :