Infos, anecdotes, bonus : à l'occasion de la sortie de "Prometheus", retour sur l'une des plus célèbres franchises SF. Dossier réalisé par Olivier Pallaruelo, Yoann Sardet & Maximilien Pierrette avec la collaboration de Déborah Le Bloas
De quoi ça parle ?
Dans le deuxième volet, Ripley s'était plongée en hyper-sommeil avec Newt, le caporal Hicks et les restes de l'androïde Bishop dans la navette EEV qui, grâce au pilotage automatique, devait les ramener sur la planète Terre et clore ainsi les deux épisodes terrifiants des Aliens. Mais c'était sans compter sur l'incroyable instinct de survie de l'Alien... La capsule, après une dérive de plus de cent ans dans l'espace, finit par s'écraser sur la planète Fury 161, à la suite d'un début d'incendie signalé à bord. Fury 161, ancienne base scientifique transformée en pénitencier, abrite 25 détenus "chromosomes double Y". Soit ce que l'humanité compte de pire en matière de violeurs et meurtriers. Bien malgré eux, ils recueuillent Ripley, seule survivante du crash, ou presque...Un Face-Hugger a en effet réussit à s'introduire dans l'EEV et les a accompagné durant tout le voyage...
Dans l'espace, personne ne vous entendra re-re-crier...
Figurant un temps au rang des films mal aimés et surtout passablement maudits, pour des raisons que nous développerons un peu plus loin, la parution en DVD de la version longue d'Alien 3 avait permi de remettre certaines pendules à l'heure en imposant une sérieuse réévaluation de l'oeuvre de David Fincher. Même si ce dernier continue, près de vingt ans après (!), à renier le film tant le souvenir du tournage reste douloureux. Le prologue du film donne rapidement le ton : nuit permanente ou presque, température glaciale, couleur orange cuivré qui donne l'impression d'un univers ravagé par la rouille...L'ambiance, unique, est installée et l'atmosphère est étouffante : ce sont celles de la Fin du monde. Un paysage apocalyptique qui permet à Fincher d'introduire l'un des thèmes les plus importants d'Alien 3 : le mysticime religieux. C'est en ce point que se situe la différence fondamentale avec Alien et Aliens le retour.
Ripley, qui a le crâne rasé, ressemble et évoque désormais une Jeanne d'Arc de l'espace. Loin, très loin de sa première apparition à l'écran où le personnage était frêle et quelque peu effacé; loin de la période où elle était encore une jeune lieutenant bercée d'illusions et du sens de la hiérarchie. Ripley incarnerait presque dans Alien 3 une sainte, une envoyée de quelque puissance divine sur Fury 161, pour combattre jusqu'à la mort un suppôt d'une autre puissance divine, maléfique celle-là. L'éternelle lutte entre le Bien et le Mal qui décidera du sort de l'humanité.
A ce titre, le personnage de Dillon (formidable Charles S. Dutton) apparaît comme le gourou d'une secte frappée du sceau de la damnation, entouré de ses apôtres qu'il s'échine à remettre dans le droit chemin à grands renforts de sermons incantatoires, quand ce n'est pas à coups de barre à mine, lorsque certains d'entre eux tentent de violer Ripley. Il conditionne ses disciples en adoptant et cultivant sa propre religion; une sorte de fondamentalisme chrétien, emprunt de millénarisme apocalytpique comme l'explique le personnage de Clemens. Ces hommes appellent à la rédemption par leurs sacrifices : tandis que les autorités avaient décidé de fermer la station, ils ont choisi de rester en pénitence dans ce lieu clos, inhospitalier, loin des tentations, comme pour se laver des péchés dont ils ont été les auteurs. Et puisque l'on parle de rédemption et de sacrifice, comment ne pas mentionner celle de Ripley, qui accepte son destin en se sacrifiant pour le salut des hommes, les bras en croix et les pieds joints comme pour rappeler la crucifixion du Christ (du moins dans l'une des versions), lorsqu'elle se jette dans les flammes de la fonderie. Une sorte de grand feu purificateur en quelque sorte.
Mais Alien 3, c'est aussi une puissante vision allégorique d'une société en crise : la peur du nucléaire par exemple et les risques épidémiologiques. Le temps et l'atmosphère qui règnent sur la planète rappellent ceux remarqués par les scientifiques à propos d'un hiver nucléaire : -40°C, vents violents, nuages acides, nuit éternelle. Toutes les conditions sont réunies. C'est aussi la peur de la contamination faite par les épidémies et les ravages de la drogue. Le danger des drogues dures est par exemple abordé grâce au personnage de Clemens (Charles Dance) et de sa terrible erreur de jeunesse, non seulement dans le récit qu'il en fait, mais aussi dans la présence répétitive de plans sur des seringues et de scènes d'injections. Des éléments qui s'établissent en parallèle avec le voeu de chasteté exprimé par les détenus, qui pourraient tout aussi bien être assimilés à des malades en phase terminale, un code-barre tatoué sur la nuque, le crâne rasé. La chasteté est pour eux un moyen de préserver la cohésion de leur groupe et de se prémunir des maladies.
Le réalisateur
Dès l'âge de huit ans, David Fincher réalise de nombreux films dans le cadre familial. Passionné par le travail de George Lucas, il intègre dix ans plus tard la société d'effets spéciaux de son modèle, Industrial, Light and Magic. Durant ses quatre années passées chez ILM, Fincher travaille ainsi sur les effets spéciaux du Star Wars : Episode VI - Le Retour du Jedi, d'Indiana Jones et le Temple maudit ou de L' Histoire sans fin. Fort de cet acquis, il se spécialise ensuite dans la réalisation de publicités et de clips musicaux, créant sa propre société de production, Propaganda Films. Son travail pour la marque Nike et pour des artistes comme Madonna, Aerosmith, Paula Abdul ou The Rolling Stones l'impose vite comme un jeune surdoué de l'image. Attiré par son travail novateur, la Fox songe à lui confier les rênes du nouveau film de la saga Alien, alors même que la pré-production est non seulement déjà sacrément avancée, mais se fait dans la douleur suite aux nombreux remaniements sur le script.
Une première expérience qui va se révéler des plus douloureuses pour le cinéaste. A ce titre, ce dernier brille d'ailleurs par son absence dans le formidable documentaire "Wreckage & Rage : the Making of Alien 3" (disponible en version longue sur le Bu-ray), qui revient sur la production chaotique du film, les mésententes entre les producteurs et les scénaristes, les patrons du studio, et le réalisateur, parachuté à la tête d'un nouveau volet d'une saga qu'il admire pourtant plus que tout. Mais il a aussi l'arrogance de sa jeunesse et du milieu duquel il vient. La Fox comptait sur son inexpérience cinématographique et une certaine docilité de sa part. Fincher quant à lui souhaite aussi marquer de son empreinte ce nouveau volet de la saga et se hisser selon ses propres termes au niveau des deux précédents opus. "Nous avons débuté les prises de vues avec seulement quarante pages de scénario" dira-t-il plus tard, l'une des rares fois où il acceptera d'évoquer le tournage; "les modifications nous parvenaient à un rythme tel que le lendemain de la réception des pages sur notre fax, nous mettions les scènes en boîtes. C'était de la démence". Fincher est pris dans la spirale du gigantisme, d'une préparation insuffisante, et des échéances financières. "Fox n'avait guère l'opportunité de trouver le juste langage pour s'adresser à moi, question de degré de confiance. Car qui suis-je ? Juste un type de vingt-huit ans, réalisateur de spots publicitaires et de clips pour Paula Abdul. Ma crédibilité se limitait à cela. J'avais un film à tourner, et des tas de problèmes à résoudre. J'aurai aimé balancer les 50 millions de dollars et tout reprendre à zéro. Un jour, David Giler, l'un des responsables de la production, s'est emporté lors d'une réunion. Il a sorti "Pourquoi lui faites-vous confiance ? Ce n'est qu'un marchand de chaussures !" et il avait raison. Je ne suis qu'un vendeur de pompes" déclara amèrement le cinéaste.
Des propos terribles, si l'on songe que Giler est censé épauler le réalisateur face aux dirigeants de la Fox. Un climat tellement tendu que lui-même voit d'ailleurs ses rapports avec le studio se dégrader à grande vitesse. "Les producteurs exécutifs sont en quelque sorte les hommes de mains d'un grand studio" expliqua Giler. "Ceux-ci, frustrés de ne pas voir scénaristes et réalisateurs prendre en compte leurs mauvaises idées, essaient d'influencer au maximum un tournage. Malheureusement, un producteur doit toujours négocier avec ces types. Ils constituent la plus grande calamité du cinéma américain actuel. On ne peut même pas dire qu'ils se comportent en espions, rapportant les moindres faits et gestes du réalisateur à leur supérieur hiérarchique, mais carrément en ennemis, mettant le plus possible de bâtons dans les roues". Ambiance...
Après cette calamiteuse expérience mais malgré tout riche en enseignements, Fincher est déterminé à acquérir au plus vite une vraie liberté d'action. Il fait ainsi équipe en 1994 avec une petite société de production indépendante de l'époque, New Line Cinema, pour réaliser le thriller Seven. Centré sur les sept pêchés capitaux et mettant en vedette Brad Pitt et Morgan Freeman, il pose un regard désespéré et très sombre sur la société, tout en devenant instantanément un classique du film de serial killer. Après le choc Seven, David Fincher prend tout le monde à contre-pied en réalisant, deux ans plus tard, The Game. Avec ce thriller manipulateur porté par Michael Douglas, qui ne remporte pas le même succès critique et public, le cinéaste creuse un peu plus son oeuvre désenchantée sur le monde contemporain. Il s'attaque ensuite en 1999 à la réalisation de Fight club. Adaptation d'un roman de Chuck Palahniuk, le film, sulfureux et très vite culte, ne laisse personne indifférent. Après Panic room en 2002, thriller très classique en forme de huis-clos, il fait une parenthèse de cinq ans marquée par la réalisation de clips et l'avortement de son M : i : III (pour divergences artistiques avec Tom Cruise). L'ambitieux thriller Zodiac marque son retour devant la scène en 2007 mais est en même temps un échec commercial. Il enchaîne immédiatement avec la réalisation du film fantastique L'Etrange histoire de Benjamin Button, qui marque sa troisième collaboration avec Brad Pitt. Si The Social Network offre une vision romancée de la création de Facebook par Mark Zuckerberg, il n'en reste pas moins que Fincher continue, toujours brillamment, à poser sur ses personnages et leurs histoires un regard d'entomologiste.
A savoir
Pour écrire le scénario d'Alien 3, les producteurs ont d'abord contacté le romancier cyberpunk William Gibson ("Neuromancien"). Ce volet de la saga Alien allait être le premier scénario de Gibson.Walter Hill et David Giler ont proposé une histoire de bataille dans l'espace, motivée par une cargaison de précieux oeufs aliens. Gibson préférait une histoire basée sur Terre. Dans la version du scénario de Gibson, Hicks et Bishop réapparaissaient après Aliens, pour combattre une nouvelle version de la créature. Pourtant, son scénario fut rejeté, comme étant trop peu conventionnel...Un seul détail du script de Gibson a été retenu : le code-barre tatoué sur la nuque.
Sept plateaux aux Pinewood Studios de Londres ont été utilisés pour ce film. L'un d'entre eux est le fameux "plateau 007" qui a servi de site pour la fonderie de plomb et le fourneau.
Pour créer une réplique de Newt grandeur nature, Woodruff Junior et Gillis ont utilisé les moules de l'actrice Carrie Henn. Ces moules dataient du tournage d'Aliens le retour, cinq ans plus tôt. Le moule de Newt était resté aux Studios Pinewood avec d'autres éléments d'Aliens...commme le moule utilisé pour créer Bishop, le personnage incarné par Lance Henriksen !
L'auteur Alan Dean Foster a écrit une version romancé du film. Le roman contenait des scènes omises dans la version du film sorti en salle en 1992. L'auteur espérait faire survivre Newt dans sa version; on l'en a empêché.
Pour réaliser le film, les producteurs ont d'abord approché Renny Harlin. Il venait d'obtenir un succès au Box-office avec Freddy - Chapitre 4 : le cauchemar de Freddy. Harlin recommanda Eric Red (Hitcher) pour écrire un nouveau scénario. La version de Red présentait des Aliens attaquant une colonie avancée. La version de Red a finalement été rejetée. Après un an de développement, Harlin a jeté l'éponge...
David Twohy (Pitch Black) s'est ensuite attaché a réécrire le scénario. Twohy est revenu à l'idée de Walter Hill et David Giler, de situer l'histoire dans une station spatiale. Comme les versions précédentes, le scénario de Twohy n'impliquait pas Ripley.
En 1990, le président de la Fox,Joe Roth, a décidé qu'Alien 3 ne serait pas tourné sans la participation de Sigourney Weaver. Weaver trouva le travail de Twohy encourageant, et accepta de signer en tant qu'actrice et co-productrice. Elle avait également un droit de veto sur le choix du réalisateur.
Après la défection de Renny Harlin, les producteurs ont ensuite cherché un cinéaste capable d'insuffler une vision fraîche à la série. Leur choix s'est porté sur Vincent Ward, scénariste et réalisateur d'un film fantastique sorti en 1988 : le navigateur : une odyssée médiévale. Ward a proposé une histoire qui verrait Ripley (et l'alien à bord) s'écraser sur une planète en bois habitée par des moines. En 1990, le réalisateur était officiellement engagé.
Un nouveau scénario, signé John Fasano, utilisait une iconographie très religieuse, pour suggérer des correspondances entre Alien et démon. Malheureusement à l'approche du tournage, les différents à propos du scénario se sont accumulés entre Ward, les producteurs et la Fox. Les producteurs voulaient désormais situer l'action dans une colonie minière opérée par des prisonniers. Coincé dans une impasse artistique, Ward a abandonné le projet. Le temps pressant de plus en plus, les producteurs ont alors fait un choix judicieux : David Fincher.
Le premier souvenir de Sigourney Weaver, lorsqu'on lui déclara qu'un certain David Fincher pourrait réaliser le film, n'est pas vraiment flatteur : "au départ, j'avais seulement entendu dire que David Fincher était du genre beau gosse et que toutes les femmes qui travaillaient avec lui en tombaient amoureuses. Ce n'était pas très sérieux !"
Pour la scène où l'alien sort du corps du boeuf mort, H.R. Giger avait préparé des ébauches de cette séquence montrant le bébé alien titubant sur ses jambes, comme un faon. Cette créature a pris le nom de "Bambi-Burster". La scène a été réécrite pour que l'alien s'extirpe en fait d'un rottweiler. La version longue restaure la version du "boeuf".
Fincher adorait Alien et le style de Ridley Scott, qu'il voulait imiter. Il avait dit du premier film qu'il était "l'un des dix meilleurs films de tous les temps".
Sigourney Weaver se faisait raser la tête trois fois par semaine durant le tournage.
Pour produire les giclées d'acide de l'alien, la marionnette était équipée d'un tuyau relié à un levier. En tirant ce levier, le tuyau projetait un liquide jaune-vert.
Après des années de dépenses, la Fox souhaitait tourner à l'économie. Le temps de tournage alloué à Fincher a été ramené à 70 jours, c'est à dire moins que pourAliens le retour.
Terry Rawlings, qui avait monté Alien de Ridley Scott, est revenu pour monter Alien 3.
En 1993, Alien 3 est cité à l'Oscar des meilleurs effets spéciaux.
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