A l’heure ou l’Europe s’apprêtait à entrer en guerre, à l’heure où le prestigieux Titanic sombrait dans l’Atlantique nord, Julian Fellowes et ITV nous emmènent dans l’intimité d’une faste propriété d’une Angleterre encore soumise aux règles du noble et du servant. Un somptueux château, un terrain soigneusement entretenu, une famille de Lords autour de laquelle gravite toute une hiérarchie de domestiques, du Majordome à la dernière femme de chambre, voilà le cadre de Downton Abbey, portrait fin, malin, d’une société bourgeoise et autoritaire à la fois, de nos jours, enviée et décrédibilisée. Julian Fellowes ne se contentera pas, durant cette première salve de 7 épisodes, de nous immerger gratuitement dans ce riche univers, préférant attaquer de front une problématique d’héritage qui rythmera, on s’en doute rapidement, l’intégralité de la série.
Du naufrage du Titanic, justement, découlent les évènements qui composeront cette saison, soit la mort de l’héritier du domaine. Cela forcera dès lors le Lord à la tête de son empire à faire un choix moral épineux. Mais l’homme prend ses responsabilités, dans son rôle de père de trois filles et dans celui de gardien d’un patrimoine qu’il ne peut laisser filer pour d’aussi bonnes raisons soit-il. La vie de château n’est donc pas toute rose, nous dit Julian Fellowes, avec son approche d’apparence complexe mais finalement radicalement efficace de ce milieu si particulier. Doit-on veiller à ce qu’une dynastie persiste en sacrifiant sur l’hôtel de l’honneur femmes et enfants? Il semble que oui. Mais tout sera sujet à être remis en question, au fur et à mesure de découvertes, d’interventions et autres manigances. Non, la vie de château n’est pas rose, certes, mais elle peut s’avérer passionnante, du moins suffisamment intrigante pour qu’une telle série puisse voir le jour, et perdurer six années durant.
L’approche narrative est donc optimale. Qu’en est-il des autres critères? D’aucuns pourraient reprocher à Downtin Abbey son timbre un peu niais, une saga familiale coincée entre la guimauve des Feux de l’Amour et la rigueur des références actuelles en matière de dramas. Oui, la bande-originale, à la fois belle et désuète, renforce le questionnement. A chacun son avis. Pour ma part, si j’ai émis quelques doutes durant le pilote, je me suis très vite laissé emporter par ce riche univers, ce composé habile de personnages de tous acabits, cette intrigue relativement pointue et par la qualité de la mise en scène, classieuse, comme il se doit. Quand bien même les scénaristes auront, en fin de saison, brûler quelques étapes, ou seront passés trop rapidement sur quelques faits susceptibles de bouleverser l’ordre établi, l’harmonie générale aura été maintenue tout du long. Appréciable, très appréciable même, en dépit de quelques lenteurs certes explicables.
Coté comédiens, chacun fait remarquablement son boulot, sans réelle finesse mais sans fausse note. Engoncés dans des rôles clairement définis, les acteurs et actrices du show, suffisamment nombreux, mais pas trop, s’efforcent de lire leurs partition, ne débordant pas d’un iota de leur cahier des charges. On sent, dès lors, la production, ou du moins le créateur de la série, très à cheval sur le rôle de chacun, à l’image de la hiérarchie établie dans la maison, celle régissant les activités du personnel. Mais s’il fallait citer un interprète sortant du lot, je m’avancerai à mettre en avant la vétérante Maggie Smith, en mode vieille chouette, harpie malingre dont aucune des apparitions ne passent inaperçues. En conclusion, et ce n’était pas gagné d’avance, j’attends fermement la seconde saison. C’est bon signe. 15/20