Une série événement à plusieurs titres.
Très gros budget, mise en chantier par le réseau payant NetFlix, House of Cards est la première salve d'une révolution en cours dans le onde de la fiction télévisée. Les grands networks se font déjà tailler des croupières par les chaînes cablées ("The walking dead" chez AMC et bien sûr "Game of Thrones" chez HBO) que de nouveaux acteurs tentent de se faire une place sur le marché de la série adulte et classieuse, en mettent à disposition en téléchargement TOUS les épisodes de la série le même jour. Et quel projet : 100 millions de dollars de budget pour une saison, portée par un immense acteur (Kevin Spacey) et dont les deux premiers épisodes ont été confiés au metteur en scène le plus hype du marché (David Fincher).
Et la série dans tout ça ? Efficace, indéniablement, mais un poil décevante. Car derrière le vernis classe du produit packagé "adulte", "House of Cards" reste quand même une série grand public, qui ne chasse pas sur les terres de l'excellente artistique et de l'exigence d'œuvres comme "Breaking Bad", "Mad Men" et bien sûr "The Wire".
Washington DC, le cœur de la démocratie américaine, lieu de bataille permanente entre une Maison Blanche et un Congrès nouvellement élus. Au milieu de ce cirque républicain, Franck Underwood est sensé mettre de l'huile dans les rouages...mais passe beaucoup plus de temps à s'occuper de sa carrière et à saboter les initiatives de ses amis politiques.
Les branches exécutives et législatives intéressent décidemment beaucoup la télé en ce moment. Quelques mois après "Veep" et son angle clownesque, "House of Cards" a choisi celui du cynisme et du tragique, teinté d'un humour grinçant. D'où un Kevin Spacey qui s'adresse régulièrement à la caméra pour sous-titrer les coups tordus et les basses intrigues politiques auxquels il nous convie.
Des aventures politiques habituelles à Washington : trafic d'influence, arbitrages budgétaires orientés et coups de billards à cinq bandes pour récupérer les postes les plus en vue. Sans oublier les deux grands classiques de ce type d'administration : la place centrale de l'argent des lobbyistes et les scandales toxico-sexuels de quelques élus dépravés. On n'oublie pas non plus la presse, à qui notre héros donne la becquée de manière calculée pour que le flux d'infos soit en cohérence avec ses plans machiavéliques.
Un grand barnum de la médiocrité humaine toujours réjouissant à observer, surtout quand la partie d'échecs appuie là où le bat blesse : la place invisible du Vice-président, le rapport compliqué d'un député avec sa circonscription, la place de l'argent dans la vie politique. Le problème, c'est que le scénario pourtant assez dense se réserve régulièrement de très grandes facilités, et des twists dramatiques capilotractés. Même facilité du côté des personnages, assez monolithiques et peu nuancés, en tous cas pas assez pour surprendre. Des députés lâches, des syndicalistes jusque-boutistes, des lobbyistes fourbres, des journalistes à l'éthique hasardeuse, une majorité turbulente : tout est finalement assez convenu.
Seul le couple formé par Kevin Spacey et Robin Wright y échappe. Fascinant, repoussant, intriguant, ce pas de deux apporte beaucoup de noirceur et de nuance à un ensemble un peu trop bien huilé par ailleurs.
Grâce au talent unique de Kevin Spacey pour jouer la canaille manipulatrice, grâce aux gros moyens mis sur la table et grâce à son sujet passionnant, la série reste extrêmement efficace, et suffisamment divertissante pour attendre avec confiance une deuxième saison. Qu'on peut quand même espérer un niveau au dessus.