Constituée de 21 épisodes répartis sur deux parties, cette sixième et dernière saison des Soprano marque une nouvelle fois le grand monde de la télévision de part une qualité narrative, une qualité technique et d’interprétation à faire pâlir parmi les plus talentueux créateurs de notre temps. Cette ultime saison parachève en tout honneur l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand, shows de l’histoire du petit écran. Emotion, humour, dramaturgie, tout y passe. David Chase, accusé en cours de route d’une baisse d’inspiration erronée, démontre à tous ses détracteurs, certes peu nombreux, qu’il est le showrunner prestigieux qu’il fût déjà en 1999 lors du démarrage du mythe mafieux. Toujours accompagné des fidèle Terrence Winter, Tim Van Patten et Mattew Weiner, des futurs ténors du câble, David Chase met un point final à une série qui mérite sa place au panthéon des chefs-d’œuvre contemporains qui ont fait rêver, saliver ou qui ont marqué plusieurs générations de téléspectateurs. Fascinés ici par le mal et la bonté réincarnés dans la peau d’un parrain d’un clan mafieux du New-Jersey, le public n’oubliera pas de sitôt le show, au même titre que cette ultime saison.
Le périple psychique et physique du grand Tony Soprano touche à sa fin. Son entourage, sa famille, ses collègues dans l’illégalité, ses adversaires, tous trouvent ici un sort mérité ou non. Certains trouveront une échappatoire, d’autres un destin plus funeste. David Chase n’ayant jamais tâté du dos de la cuillère cinq saisons durant, il ne fallait pas ici s’attendre à une quelconque empathie de la part du créateur qui fait souffrir ses personnages aussi diaboliquement qu’un magicien malicieux jetterait des sorts à ses cobayes. Des pantins dans un monde fascinant, gravitant autour d’un mythique personnage dont on ne peut deviner le sort, dont on ne peut ni imaginer la rédemption ni la persévérance sur cette voie. Tony Soprano décline-t-il? Tony Soprano deviendrait-il un monstre toujours plus intouchable? Les questions que pose David Chase et son team de scénaristes sont sans réponses distinctes, le tout consistant à évaluer, à sonder les âmes et à sa faire son propre opinion sur toutes ces destinées.
La vie de gangster n’est pas le rêve. Si à l’image des grandes œuvres de Martin Scorsese, les Soprano nous attirent dans un monde déliquescent, les liasses de billets, la luxure et l’immoralité, nous amènent plus sûrement vers un cauchemar jouissif, une contemplation perverse d’un univers mafieux à la fois passionnant et rebutant. Humiliation, violence, meurtre, hypocrisie, racisme, homophobie, racket, malversation, tous figurent au menu d’un festival de surprises, souvent morbides, parfois tendres. David Chase, à l’image de ce qu’il inspire dans la vie, livre une saison finale dans la plus pure tradition de la dramaturgie, saupoudrée d’humour noir, de philosophie et d’une certaine dose de psychologie. Du grand art qui met en valeur toutes les facettes du trouble humain, conséquences ici d’actes répréhensibles, bénéfiques ou carrément ignobles.
Pour conclure, David Chase nous livre la séquence finale la plus mystérieuse qui soit, séquence à maintes reprises disséquée, étudiée et interprétée à la guise de chacun. Laissant libre cours à toute imagination, pessimiste ou optimiste, le créateur lance un appel au public. Comment comprenez-vous mon histoire? Quelles conclusions en tirer? Un haut fait de la culture populaire. 20/20