« I don't give a damn 'bout my reputation
Living in the past, it's a new generation
A girl can do what she wants to do and that's what I'm gonna do. »
Démarrant en mode mineur, le temps de poser les personnages et le décor où ils évoluent, la banlieue socialement mixte de Détroit en 1980, Freaks and Geeks frappe d’entrée par le jeu des interprètes auquel il faut s’habituer : il s’agit d’une interprétation réaliste, sans rires enregistrés et autrement plus raffinée que ce à quoi on s’attend pour le genre sitcom. Au fil des épisodes, on finit par s’attacher aux personnages, à la fois stéréotypes, à la fois pétris de nuances une fois le vernis retiré.
On pense également irrémédiablement à Happy Days, la série qui fit connaître Ron Howard, réalisée de 1974 à 1984 et dont l’action se situe 20 ans plus tôt, elle aussi. Sauf que. Sauf que Paul Feig, fidèle à lui-même, a choisi une héroïne pour porter la série, épaulée par son frère plus jeune. Sauf que Judd Apatow distille son humour potache de qualité en accumulant les références à ses prédécesseurs, la bande du Saturday Night Live. Sauf que la bande son est une mine d’or couvrant le rock des années ’70, les débuts du punk et du disco, s’autorisant même un léger détour vers Gene Krupa.
Mélangeant habilement le fossé qui sépare les Freaks, blousons noirs un peu rebelles, un peu camés, pas bien méchants, et les geeks, nouvelle race sociologique qui apparaît alors aux confins de Star Wars, des teen comedies et de l’apparition des premières consoles et des premiers PC, sans oublier la classe des populaires, sportifs et cheerleaders superficiel·les, la série montre comment les clans qui se forment dans un lycée peuvent à la fois générer leurs règles stupides mais aussi leurs bonnes surprises. Il ne faut en effet pas s’y tromper, on ne rit pas toujours mais les épisodes donnent à réfléchir sans jamais se contenter du moindre manichéisme et c’est ce qui fait toute leur force d’écriture et d’interprétation, dans une distribution où l’on retrouve de jeunes acteurs et actrices qui, sans devenir des stars, suivront leur petit bonhomme et leur petite bonne femme de chemin, à l’image de Seth Rogen, devenu un fidèle de la Team Apatow, James Franco ou Jason Segel, sans oublier la fabuleuse Linda Cardellini en héroïne centrale, une adolescente en quête d’identité et d’expériences.
Sitcom réaliste décrivant l’émergence des années Reagan, Freaks and Geeks est à voir pour la nostalgie mais aussi avec un regard sociologique polymorphe. Un must qui n’a pas connu un grand succès lors de sa diffusion, sans doute trop original dans sa normalité assumée, mais qui est devenu culte au fil des ans.