J'ai peiné à regarder la moitié du premier épisode de la série télé passée cet automne, affligeant sitcom incroyablement pompeux. Evidemment on ne peut critiquer la forme sans être suspecté de critiquer le fond, la lutte sociale sacro sanctifiée en cette période de crise qui laisse les ouvriers, comme aussi d'autres personnes, cadres, paysans, travailleurs libéraux, sur le carreau. Donc total respect devant la volonté de description d'une mobilisation et d'une crise sociale, inspirée de faits réels et actuels. Par contre, quel traitement narratif et cinématographique ? Un documentaire en bonne et due forme eut été incomparablement meilleur. N'est pas Zola ou Victor Hugo qui veut. Ou même Jean Vautrin, dont la chronique romancée sur la Commune, "Le Cri du peuple", était infiniment meilleure que ce script/scénar/pavé incroyablement lourdingue et mal écrit. Car ayant manqué de courage pour m'appuyer 8 x 50 mn les regards suspicieux de Robinson Stévenin, qui ne suit pas les traces de son père hélas, j'ai quand même voulu savoir de quoi retournait l'opus, par curiosité déplacée, las, une collègue de bureau dont je pense le plus grand bien s'étant déclarée en train de lire le grand oeuvre... Et là rebelote, je retrouve les mêmes dialogues convenus et navrants de bassesse du front (ah les blagues ouvrières, c'est manquer de respect à toute une classe sociale que de les faire parler comme ça) ; les même personnages caricaturaux aux aventures aux rebondissements s'enchaînant sans relâche comme dans Plus belle la vie (Mordillat au scénario là aussi ? - ayant visiblement écrit avec une caméra entre les doigts de pied) ; poncifs éculés sur l'honneur-la saine camaraderie-le patronat-les syndicats-les relations mères filles-les vieilles maîtresses etc etc). Le pire, ces références constantes aux valeurs chrétiennes, truellées de paroles d'évangile, d'ailleurs le titre, le titre ! Un autre fonds de commerce de Mordillat, pourtant plus inspiré dans ses opus sur le christianisme. Une seule scène à sauver de la noyade, celle du début, ou Rudi-Gilliatt réussit à s'extirper de la rivière maudite-pieuvre, pour mieux nous faire plonger à sa suite. A quand un grand roman sur la lutte des classes, les conflits sociaux, avec des personnages qui tiennent la route et une histoire sans ficelles de constructions et teasers de la mort, c'est pas qu'on aime pas les feuilletons mais force est de rappeler qu'en matière de séries, les grands méchants Américains savent encore faire ce qu'il y a de mieux. Ici, en Lorraine comme en tout lieu de malheur et d'injustice sociale, sur le terrain de la littérature et du cinéma, devant tant d'indigence complaisamment étalée, tant de pages mal tartinées (depuis quand quantité = qualité ??), tant d'agitation naïve et vaine dans cette parodie de réalité, on aurait juste envie d'en appeler aux vieux, aux Victor, Emile, Eugène, John - Steinbeck ; ces Morts qui sont encore Vivants aujourd'hui grâce à leur oeuvre, revenez, la Sociale a besoin de vous !