Difficile de ne pas faire la comparaison entre ce "Borgia" version Canal+ et les "Borgias" de Showtime, sortis quasiment en même temps. Le problème, c'est qu'on est bien obligé de voir l'un après avoir vu l'autre et, pour ma part, c'est cette version de Canal+ qui est passé en second. Alors forcément, je dois bien concéder que celui qui passe en second à toujours contre lui le fait que l'effet de découverte ne marche plus. Il ne faut pas croire pour autant que cette série pensée par Tom Fontana, le « monsieur Oz », est dénuée de qualités est d'avantages. D'ailleurs, le premier avantage – et de taille – que je trouve à ce "Borgia" c'est tout d'abord son pape. En effet, bien que je trouve la performance de Jeremy Irons très subtile et efficace dans la version Showtime, je considère malgré tout que John Doman a plus la carrure du personnage d'origine. De plus, la version Canal oriente clairement l'histoire et ses personnages vers des thématiques que je trouvais cruellement absentes de la version Showtime, notamment sur les contradictions entre moralité et pouvoir au sein de l'Eglise. Dans cette logique, l'élection de Rodrigo en tant que pape est à mon sens plus intéressante et mieux rendue que dans la version Showtime. Seulement voilà, après tant de compliments, vous pourriez alors vous demander pourquoi je ne mets que 3 étoiles à ce "Borgia" alors que les "Borgias" en avaient reçues 4 de ma part. La réponse est simple, et elle tient malheureusement pour la chaîne française, aux récurrentes qualités des séries américaines des chaînes câblées. D'une part, si je préfère le Rodrigo de Canal au Rodrigo de Showtime dans son ton, je regrette que John Doman n'ait pas disposé des mêmes dialoguistes que Jeremy Irons. Bien moins incisifs, bien moins subtils, les dialogues – comme les situations d'ailleurs – ont moins de relief et se déroulent parfois péniblement alors que Showtime parvient très rapidement à créer un tourbillon. Deuxième lacune assez dommageable : les personnages secondaires. Si, à l'image du pape, Cesare et Juan peuvent être plus intéressants dans cette version pour leur aspect plus incisif et tranchant, là encore ils manquent clairement de subtilité. Si Cesare finit par s'en sortir pas trop mal au fur et à mesure des épisodes, Juan lui sombre littéralement, faute de relief. Mais le problème c'est que, une fois sorti du cercle des Borgia, il n'y a plus grand-chose à sauver : Giulia Farnèse, Della Rovere, le roi Charles et surtout Lucrèce sont des véritables poids pour la série, à n'en pas douter. Il est d’ailleurs assez incroyable qu'une série de cette ambition ait pu laisser sa place à la pathétique Isolda Dichok qui incarne Lucrèce, et qui ne doit visiblement sa place qu'à sa nationalité, pour satisfaire les investisseurs allemands. Ainsi, si on ajoute pour finir un réel déficit de budget qui se ressent dans les décors utilisés, il apparaît clair que les deux séries ne jouaient pas dans les mêmes cours. Alors que l'arrivée française est un pur délice mis en avant dans la version Showtime, elle se révèle bien poussive dans la version Canal, vécue qu'au travers de dialogues qui se déroulent dans des salles toujours identiques. Malgré tout, rendons à Cesare ce qui est à Borgia. Certes, la série n'est pas à la hauteur de son homologue américain, mais elle a le mérite d’exister et d'offrir sa propre lecture de l'Histoire. A réserver donc à ceux qui n'ont pas vu la version Showtime...