Absence totale d’intrigue, scènes d’action inexistantes dans la plupart des épisodes, protagoniste énigmatique, moto qui parle…Il y a peu de séries comme L’Odyssée de Kino. L’originalité de ses thèmes, de sa construction, de son style graphique, de ses personnages, suffit à elle seule pour qu’elle mérite qu’on s’y intéresse.
La jeune voyageuse Kino visite, à chaque épisode, un ou plusieurs nouveaux pays, chacun possédant ses propres mœurs intrigantes. Leur exploration, par cette protagoniste davantage soucieuse de les découvrir que d’essayer de les changer, fournit l’occasion de soulever toutes sortes d’interrogations que l’on pourrait pompeusement qualifier d’existentielles : quel est le sens de la solidarité humaine, du travail, de la distinction entre réalité et fiction ?
La qualité de l’interrogation proposée n’est à vrai dire pas toujours égale en fonction des épisodes, qui sont parfois un peu prévisibles (à force de vouloir trop se comprendre on finit par s’éloigner, la démocratie peut elle aussi parfois conduire à la violence, etc) ; les phrases, très (voire excessivement) oraculaires, qui apparaissent parfois en surimpression lors des épisodes peuvent avoir quelque chose d’agaçant. Mais tous les épisodes s’apparentent à de véritables contes philosophiques, et ce d’autant plus que l’esthétique de la série a quelque chose de vaporeux, d’évanescent, qui fait qu’il est possible de profiter de chaque épisode en tant qu’expérience onirique, et indépendamment de toute interrogation sur l’éventuel « message » qu’il chercherait à faire passer.
De manière générale, il n’est pas certain que l’Odyssée de Kino cherche à faire passer le moindre message, ni à répondre à la moindre question. Peut-on dire, après avoir suivi Kino au fil de ses pérégrinations, que le monde est beau ? A cela même, on ne peut fournir de réponse.
Le caractère très contemplatif de la plupart des scènes rend plus intéressantes les quelques scènes d’action. Les épisodes 6-7, placés au tout milieu de la série, sont intégralement consacrés à des scènes de combat en arène, tout en conservant cette atmosphère rêveuse si importante dans l’œuvre. L’intérêt du personnage de Kino est qu’elle est capable d’allier, à un âge très jeune, un très fort détachement, voire une impassibilité, à des réflexes de combat extrêmement poussés (et même, comme le montre la fin de l’épisode 7, à une certaine forme de cruauté). Cela fait malgré tout d’elle un personnage auquel il est difficile de s’identifier, et ce d’autant plus que certains regretteront peut-être qu’on ait si peu d’informations sur son passé (le tout tient en un épisode, le 4, auquel s’ajoutent deux brèves d’allusions dans les épisodes 11 et 13).
Hermès, la moto qui parle, est en revanche un personnage sympathique, enjoué, qui permet d’équilibrer les traits de caractère de Kino.
Si l’on excepte les épisodes 6 et 7, et un bref passage dans le 13, aucun épisode ne fait référence explicitement aux épisodes précédents (ce qui fait d’ailleurs qu’on peut sauter un épisode si on le trouve ennuyeux ; pour ma part, j’avoue m’être ennuyé lors des épisodes 8 et 9). Il n’y a aucune intrigue, aucune évolution, semble-t-il, dans les personnages de Kino et d’Hermès, sauf peut-être dans le dernier épisode. Ce dernier ne résout rien du tout. Mais la qualité de sa construction est remarquable : mis en perspective avec les épisodes précédents, il produira sans doute une forte impression sur le spectateur.