« Engrenages », ou la série étendard de Canal+. Quatorze années de production, sept saisons, et surtout une évolution vraiment révélatrice de l’apprentissage progressif de la chaîne dans le domaine. Il est évident que si on profite aujourd’hui de pièces maitresses aussi finement ciselées que « Baron noir » et « le bureau des légendes » c’est aussi parce qu’une expérience s’est forgée ici, sur cette série. Et force est de constater qu’avec le temps cette série ne s’use pas ; voire même qu’elle se bonifie encore. Pour le coup, le passage du flambeau de showrunner d’Anne Landois à Marine Francou ne s’est pas fait au détriment de la série. Plastiquement parlant, « Engrenages » continue de s’affiner au fil des saisons. Encore une fois la série nous offre des paysages très signifiants qui disent beaucoup de choses sur Paris et sa banlieue. La seule intro de l’épisode 1 fut un régal me concernant. Entre ce plan séquence assez saisissant dans sa mise en place (Luma ou drône ? Je m’interroge encore) et ce plan absolument génial de cette voiture filmée à travers l’ouverture de cette dalle urbaine : moi je me suis léché les babines. Ça fait tellement plaisir de voir ENFIN une œuvre française capable de filmer avec autant de justesse ce Paris là. Plus le temps passe et plus la ville devient un personnage à part entière ; un dédale qui participe aux pérégrinations de ces héros ordinaires. Et pour ce qui est de l’intrigue, je trouve que, l’air de rien, Marine Francou a su aussi apporter un vrai sang neuf à la série, sachant rompre avec une certaine routine tout en maintenant ces bases qui font la force et l’identité d’ « Engrenages ». La vraie bonne idée a notamment été d’imposer des dynamiques fortes, à la fois pour chaque personnage, mais aussi pour le groupe qu’on suit depuis le début. L’air de rien, l’histoire commence par la mort d’un personnage récurrent ainsi que par l’annonce d’un départ à la retraite inéluctable. Parallèlement on renouvelle aussi l’équipe avec l’arrivée d’Ali, qui amène avec tout une problématique nouvelle au sein du groupe. Et l’air de rien, tous ces choix combinés permettent de nous faire comprendre que, dans cette saison, « Engrenages » entend bien aller jusqu’à un point de rupture, notamment en ce qui concerne le duo Berthaud-Gilou. (Ce qui ne sera pas une promesse en l’air en plus ! Chapeau là-dessus !) Et comme tout ça s’orchestre autour d’une intrigue encore une fois ficelée avec beaucoup de densité et de finesse – gérant même beaucoup mieux son arc parallèle avec Joséphine Karlson, à la fois dans son amorce que dans sa manière de le relier à l’intrigue principale – j’en étais carrément venu à me dire, au bout de quelques épisodes, que j’allais peut-être avoir affaire là à la saison la plus aboutie de toute la série. Et malheureusement ça s’est joué à vraiment pas grand-chose. Alors OK, dans les grandes lignes, cette intrigue n’a clairement pas à rougir de ses prédécesseurs. Encore une exploration habile d’un milieu du crime. Encore un joli jeu d’intrications subtiles. Encore cette impression de pédagogie et de découverte. Là-dessus : rien à redire. Par contre, pour ce qui est des méthodes utilisées pour débloquer certaines situations tendues, plus d’une fois cette saison 7 a recours à des facilités vraiment regrettables et qui sont venues, me concernant, perturber mon immersion. Je pense notamment à
tout ce qui est lié au chantage fait sur le porteur de valise de David Cann. Il réagit toujours comme il faut au moment où il faut pour faire en sorte que l’intrigue se débloque. Certes le scénario le justifie, mais j’ai trouvé ça un peu gros, surtout que je ne trouvais pas ce genre de réaction bien logique. Même chose d’ailleurs quand Roban se fait prendre au piège par Machard. Pourquoi reste-t-il à ce diner alors qu’il sait que ça va l’incriminer ? Même si encore une fois le scénario explique la précipitation de Roban, je trouve que ça ne colle pas avec le personnage. Et enfin – dernier exemple qui me vient à l’esprit – cette manière dont Berthaud et Gilou parviennent à utiliser Soizic pour récupérer des infos sur le portable du patron de la brigade financière.
Et à dire vrai, plus que le côté invraisemblable qui me dérange dans ces scènes, c’est plus leur aspect téléguidé et arrangeant pour le scénario qui me sort du trip. A ce moment là, je vois l’artifice. Je sais qu’il n’y aura aucune mauvaise surprise ; que tout se déroulera comme prévu, parce qu’au fond on voit bien que le scénario a trop besoin que cet événement se produise ainsi et pas autrement. Et ça a beau n’avoir eu lieu que quelques fois dans l’intrigue, pour moi, ça a été trop. Ça a été le petit caillou dans la godasse qui m’a empêché de poser cette saison 7 sur un piédestal. Mais bon, comme vous l’aurez compris, ça ne retire rien au grand plaisir que j’ai tiré de cette saison-là. Encore une fois – et c’est admirable – cette série a été capable de fournir une vraie plus-value, à la fois à sa série, mais également au monde des séries. Donc chapeau bas et longue vie à toi, « Engrenages »… Mais bon… Après, ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)