Demandez-moi des défauts dans cette saison 6 d’ « Engrenages » et je saurai vous en trouver plein ! Relancer une nouvelle enquête à partir d’un homme-tronc ? Sensationnalisme évitable ! Démarrer une saison avec plusieurs tronçons d’intrigue bien distincts et cloisonnés ? Rigidité de débutant ! Oser confronter un des personnages principaux à la problématique d’un viol. Racolage douteux typique des séries en plein de vie ! Et je pourrais rajouter à ça des intrigues qu’on lance et qu’on oublie de clore en bout de route (
notamment la question de la corruption au sein de la mairie de Cléry
) ou bien encore des péripéties sensées dynamiter l’intrigue mais qui disparaissent comme par magie ! (
La mort du vendeur de téléphone qu’on peut relier à Gilou via l’appel qu’il lance à la femme de la victime : mais comment un truc aussi énorme peut-il disparaître ainsi dans la nature ?
) Et pourtant, j’avoue que malgré tous ces défauts – dommageables pour une série qui arrive déjà à sa sixième saison ! – j’y ai encore adhéré. Alors certes, j’ai baissé d’un cran ce coup-ci par rapport à la saison précédente. Et quand j’y réfléchis, je me dis que c’est certainement davantage dû à la finalité de cette intrigue plutôt qu’à tous ces défauts que je viens d’énoncer. Pourtant, en termes de suspense et de densité, l’intrigue fonctionne très bien et tient la route jusqu’à la fin. En cela il y a vraiment un cap qu’a passé cette série depuis deux ou trois saisons, pour moi c’est indéniable. Les codes sont vraiment maîtrises. On sent que les auteurs se risquent à des constructions très complexes sans se sentir l’obligation de sur-appuyer ou de sur-expliquer les choses. En ce sens c’est un vrai confort et un vrai plaisir. De même, la série n’a pas perdu cette force de s’appuyer sur des personnages humains et ambivalents, dont aucun ne peut mériter le qualificatif de « héros ». Et c’est justement parce qu’ils sont friables et discutables que leur parcours personnels deviennent intéressants. Enfin – dernière constante enviable – ce regard acerbe qui est porté sur le système exécutif et judiciaire dans ce pays. Mairies, parquets, commissariats : encore une fois on nous présente des institutions pleines d’inerties et de contraintes politiques alors que la réalité nécessite une réaction coordonnée et efficace. Tout cela est donc bien là mais, comme je le disais plus haut, je trouve juste dommage que la finalité de cette intrigue n’ait pas su avoir le même impact que celui de la saison précédente. En effet, dans la saison 5, toute l’intrigue avait fini par converger vers le parcours de Karen, personnage qui aurait pu être sauvé à de multiples reprises, mais qui n’a fait que sombrer à cause de l’inaction de chacun des services qui étaient sensées lui venir en aide. En focalisant sur Karen à la fin de la saison, « Engrenages » parvenait à dire quelque-chose de nous, de notre système, de ses défaillances, de ce qu’il produit… Or, ça, dans la saison 6, on le retrouve plus difficilement. Les opposants manquent ambiguïté. Ils ne restent au fond que de simples opposants. En eux-mêmes, ils ne sont pas les produits d’un système. Et j’ai conscience qu’en disant cela, je flirte avec une certaine forme de gauchisme qui aime bien excuser les criminels en les transformant en victime, mais je pense sincèrement que mon ressenti va au-delà de ça. C’est juste que j’aime quand les choses sont davantage complexes. Au fond, se retrouver avec des gentils et des méchants, même quand c’est très bien ficelé (ce qui est le cas ici), je trouve que ça dit quelque-chose de plus simple et de moins profond que quand on dit qu’il n’y a pas vraiment de gentils et de méchants, juste des gens qui vivent avec les cartes qu’on leur a donné. Donc l’air de rien, malgré les innombrables qualités qu’a su accumuler cette série sur plus de dix ans, je reste persuadé qu’il lui reste encore une belle marge de progression. Et même si cette saison est encore une fois de très bonne facture, je serai ravi de voir jusqu’où Anne Landois sera capable de mener sa barque pour la saison 7 à venir… Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)