Découvrir la saison 1 d’ « Engrenages » dix ans après sa production, autant le dire tout de suite : cela fait TRES mal. Heureusement que je savais que c’était les débuts de Canal+ dans le domaine de la série ; heureusement aussi qu’on m’avait dit que cette production gagnait progressivement en qualité au fur et à mesure des saisons parce que sinon, je pense que j’aurais très vite arrêté ma découverte de cette longue saga policière à succès. Première impression : que c’est triste une série qui s’efforce de singer plutôt que créer. Et vas-y que je te prends un gros standard bien mainstream du côté des US et que je m’efforce d’en forcer tous les traits pour que ça y ressemble ! Franchement ça fait peine à voir. Le premier gros effort auquel il faut consentir pour voir cet « Engrenages », c’est celui de résister à sa forme hideuse. La caméra à la bougeotte en permanence, quelque soit la scène, sans raison particulière : ça zoome, ça dézoome, ça tremble, et ça te plante des plans-séquences en steady-cam en mode random sans aucune explication aucune. A cela s’ajoute une photographie hallucinamment dégueulasse : le monde d’ « Engrenages » est un monde bleu et gris aux contrastes étonnamment saturés. Ça ne ressemble à rien. C’est moche. Ça ne rend rien. Et je ne parle même pas de la bouillasse synthétique qui sert de musique car si je devais m’étendre encore davantage sur les questions techniques, vous pourriez vous dire qu’en fin de compte, cette critique acerbe n’a été écrite que par un vieux grincheux de puriste qui s’attarde finalement que sur des détails. Mais non, je suis désolé, à ce niveau là (il faut le voir, ou le revoir, pour le croire), on n’en est plus au niveau du simple détail, loin de là. Tous ces éléments formels sont vraiment les pires ennemis du spectateur qui cherche à s’immerger dans l’histoire, et il faut un véritable effort pour les occulter tout le long des huit épisodes. Et là où se trouve le vrai problème, c’est que justement, l’histoire elle-même n’est pas exempte de tout reproche. Pour une série qui se vantait d’explorer avec « réalisme » le monde judiciaire français, je trouve quand même que cette saison 1 nous la fait clairement à l’envers. Tout sonne creux. On assiste à un simple empilement de clichés de romans de gare et de séries américaines bas de gamme, le tout – qui plus est- excessivement mal dialogué. Les tirades sonnent toutes faux. Rares sont celles qui pourraient être entendues dans la vie courante. Elles ne sont juste que des illustrations très poussives et peu recherchées d’un scénario qui peine déjà à être crédible. Du coup, dernier grief, il devient très difficile pour les comédiens recrutés de faire vivre leurs personnages dignement. Grégory Fitoussi est de loin celui qui pédale le plus dans la semoule, Caroline Proust est assez inégale, Thierry Godard et Philippe Duclos étant en définitive ceux qui finissent par le mieux s’en sortir au fur et à mesure des épisodes. Finalement, c’est dans les seconds rôles qu’il faut aller fouiller pour trouver quelques comédiens qui s’en sortent : Guillaume Croimoisan doit certes se coltiner une vraie caricature de personnage, mais au moins il la tient du début jusqu’à la fin, même chose pour Florence Loiret-Caille qui s’en sort vraiment bien avec un rôle pourtant vraiment casse-gueule. Alors du coup, sont-ce ces rares points positifs que je note qui font que je ne délivre pas un zéro pointé à cette saison 1 d’ « Engrenages » ? Non. A dire vrai, si je ne mets pas zéro, c’est que je trouve malgré tout dans cette saison les bases de quelque-chose de quand-même sympa. Effectivement, il y a eu un effort pour tisser des liens d’interdépendances et de connivence entre les différents partis en présence qui illustrent finalement assez bien les grincements de la mécanique judiciaire française : politique, amitiés, relations, tout cela est finalement traité de manière assez judicieuse et pouvait constituer, au cœur de ce gloubi-boulga de n’importe quoi, une souche intéressante à partir de laquelle il aurait été possible de construire une intrigue qui tienne la route. Peut-être pourra-t-on l’espérer pour la saison 2. Après tout, au vu de la réputation de cette série, de sa diffusion, et de l’expérience engrangée depuis par Canal+, il n’est pas interdit d’espérer. Paradoxalement, malgré cette saison 1 qui ne m’a guère enchanté, je reste curieux pour la suite. Alors Wait and see…