25 ans plus tard, la voilà de retour cette série mythique et j’avoue que, comme beaucoup, j’oscillais entre excitation et crainte. Excitation d’abord parce que… bah « Twin Peaks » quoi ! Déjà rien que ça, moi ça suffit à m’exciter. Mais quand en plus on prend en considération que l’idée d’une suite 25 ans plus tard a été plus ou moins suggérée à la fin de la saison 2, ça sent quand même le projet réfléchi depuis le départ, et donc – forcément – ça ne peut être qu’alléchant. Mais bon, crainte également parce que… bah vingt-cinq ans justement. Il y a vingt-cinq ans, « Twin Peaks » était un précurseur, mais en utilisant des codes narratifs et visuels qui aujourd’hui pourraient paraître dépassés. Une mise à jour s’imposait forcément, mais d’un autre côté, qui dit « mise à jour » dit aussi « risque de dilution » de ce qui faisait l’esprit « Twin Peaks ». Alors bon, j’étais curieux et réticent à la fois et c’est avec cet esprit là que je suis rentré dans la série… Eh bah je confirme. C’est curieux… Et un peu repoussant à la fois. Malgré tout, l’un dans l’autre, un constat s’est rapidement imposé chez moi. J’ai tout de suite retrouvé ce qui faisait pour moi la force de Lynch. Et quand je dis ça, je ne parle pas forcément de son esthétique bizarre. Non. Moi, ce que je trouve fort chez Lynch, c’est sa capacité à flirter en permanence entre le sens et le non-sens. Dès qu’on risque de décrocher parce que c’est trop perché, il vient nous ressaisir avec un élément qui nous reprend par la main. Cette sensation d’équilibrisme, chez lui, j’adore. Et pour le coup, j’ai trouvé que les trois premiers épisodes étaient totalement dans cette logique là. On tire d’abord beaucoup sur la corde de l’expérimentation visuelle et sensorielle, puis on parvient toujours à raccrocher le spectateur avec du concret, du terre à terre, de l’intrigue… Alors ça, pour le coup, j’ai trouvé ça bon, surtout qu’en plus la série parvient à faire quelque-chose que je ne pensais plus possible dans les séries d’aujourd’hui : c’est ce miracle de parvenir à imposer son rythme. Un épisode de « Twin Peaks », je trouve que c’est vraiment une autre dimension où les choses se passent dans une sorte d’espace temps distordu… Mais ça passe. Cette anomalie me fascine. Et, encore une fois, sur les trois premiers épisodes ça m’a conquis… Et là, à cette étape de ma critique, je pense que voyez déjà où je veux en venir. Vous vous demandez : « mais c’est quoi son problème à partir du quatrième épisode ? » Bah à dire vrai, je n’ai pas de problème avec le quatrième épisode en particulier, c’est juste qu’à partir de cet épisode là, j’ai commencé à voir une mécanique se mettre en place. J’ai fini par saisir la logique de la construction d’un épisode. Au final, tout cela n’est qu’un enchainement de saynètes qui n’ont pas forcément de sens ; qui utilisent toujours plus ou moins les mêmes rouages pour faire du bizarre, pour finir avec le traditionnel groupe invité dans le « Bang Bang Bar »… Et là du coup se pose la question des 18 épisodes. Alors OK, du coup ça crée une sorte de pseudo-équilibre avec les deux premières saisons (la première faisant 7 épisodes et la seconde 22) – ce qui concorde avec cette logique très intelligente de cohérence globale entre les trois saisons puisque la réalisation et les effets visuels utilisés ne rentrent pas trop en déconnexion avec les deux premières saisons – mais d’un autre côté, au regard de ce qu’est cette série, je pense qu’une réduction de moitié aurait pu s’imposer. Ouais, de moitié, j’assume. Franchement, il y a quand même pas mal de redites, et un raccourcissement aurait permis une densification de l’intrigue qui – me concernant – ne m’aurait vraiment pas fait de mal (Les passages avec Dougie, mais je n’en pouvais plus dès l’épisode 6 ! C’est dire !) Et du coup, si je devais faire un bilan de mon expérience « Twin Peaks : The Return » eh bien je dirais sûrement qu’en fin de compte c’est très mitigé. Alors j’ai conscience qu’en disant cela je risque d’en refroidir quelques uns. Car bon, se bouffer presque 16 heures de David Lynch, c’est quand même costaud. Alors si en plus ça je vous annonce que ce n’est pas totalement l’éclate, ça risque de faire douche froide. Et pour le coup ça me ferait un peu chier que ça vous refroidisse parce que, globalement, j’ai quand même été content de la voir cette troisième saison. Je ne peux pas renier qu’il y a une vraie proposition de cinéma à certains moments – voire à certains épisodes – assez anthologiques. (Tout ceux qui ont vu la série ont en tête l’épisode 8, forcément.) Or, rien que pour ça, cette saison 3 de « Twin Peaks » peut se poser comme une certaine forme d’incontournable. Mais d’un autre côté, je ne vais pas vous cacher que par moment, regarder cette série, ce fut une épreuve. Il y a parfois de véritables trous d’air (comme entre l’épisode 5 et 10 qui constituèrent un segment particulièrement compliqué à regarder) ; parfois il y a aussi des épisodes franchement insignifiants au milieu d’un ensemble qui se tenait pourtant pas mal (je pense à l’épisode 15 notamment), et même s’il y a toujours une forme de singularité dans chaque scène – si bien que certaines d’entre elles pourraient être vues séparément de leur contexte et marcher quand même – l’effet de longueur peut parfois amener à l’usure. D’ailleurs, j’avoue que le seul épisode de fin fut pour moi un vrai moment d’indifférence. Je savais déjà plus ou moins que ça allait aboutir en eau de boudin. C’était de la resucée. J’ai ainsi vu le générique qui clôturait la saison avec un niveau d’émotion proche du zéro. Pourtant, dire ça, ça ne change rien à tout ce que je vous ai dit : malgré son irrégularité et ses redondances, je pense que « Twin Peaks » n’en reste pas moins un incontournable dont on ne ressort pas mécontent… Mais bon, après ça reste à vous de voir…