Je me souviens quand la 3ème saison a été annoncée pour 2016, France Inter en avait profité pour parler de Lynch et ils présentaient Twin Peaks comme la série qui a inventé les séries, et je comprends tout à fait ce que la journaliste a voulu dire par là ! Au début, quand j'ai vu le synopsis, je pensais que l’enquête sur le meurtre de Laura Palmer allait être quelque chose de très tortueux, que les révélations allaient tomber au compte goute, qu'il y aurait des twist à faire pâlir Agatha Christie... La série prend finalement un chemin complètement différent. Au début j'étais un peu perplexe, je ne voyais pas où ça voulait en venir. J'ai vite compris qu'il ne fallait pas essayer d'anticiper les événements : Twin Peaks promène le spectateur d'un point à un autre, et on se retrouve rarement là où on pensait aller. Il faut vraiment se laisser porter par l'histoire pour l'apprécier. La série est une dramédie, chose novatrice à l'époque. Elle aborde un humour absurde très pince-sans-rire, qui donne à l'ensemble un ton caractéristique. Bien souvent, les éléments comiques sortent de nulle part et servent parfois à faire avancer l'histoire, sans que cela ait l'air de choquer les personnages. On peut prendre l'exemple de l'agent du FBI, Dale Cooper, qui se fie à ses rêves, qu'il qualifie de prémonitoires, autant qu'il se fie aux véritables indices trouvés sur les lieux du crime. De ce fait les scènes dramatiques le restent rarement longtemps, puisqu'elles sont mises sur le même pied d'égalité que les éléments absurdes qui arrivent juste après. Le tout est vraiment drôle (le coup du lama, j'en ri encore !). Cet humour passe aussi par la galerie de personnages aussi étranges les uns que les autres. Là encore j'avais du mal à les apprécier au début, mais il faut du temps pour les apprivoiser et comprendre le fonctionnement de leur folie douce. Twin Peaks a un pied dans le réel tandis que l'autre est dans le monde du fantastique. Plus que le ton décomplexé, plus que les personnages fantasques, c'est l'ambiance onirique qui fait que le mélange fonctionne. Cela passe beaucoup par l'ambiance musicale, à la fois légère et mystérieuse. Angelo Badalamenti a fait un travail épatant, en particulier pour le générique. Il est véritablement la clé de voute, sans qui l'ensemble n'aurait pas pu avoir toute l'aura qu'on lui connaît. Par ailleurs, on sent que la ville est loin de tout, que c'est un endroit sans histoires où tout le monde se connaît... La présence du bois dans les constructions (et la forêt tant qu'on y est) joue(nt) un rôle non négligeable au niveau de l'ambiance. La série connaît quand même quelques défauts. Déjà, il faut supporter le rythme lent, que j'ai trouvé assez frustrant une fois le pilot passé. Il y a également le fameux problème de la saison 2, qui s'embourbe un peu passé l'épisode 9. Les sous-intrigues pas franchement inspirées (notamment celle de James, qui n'aboutit vraiment sur rien) provoquent une baisse de qualité. On peut quand même noter que l'ensemble reprend des couleurs vers la fin de la saison, malgré un final frustrant, qui trouvera peut-être une explication dans la future saison. Belle performance pour Frost et Lynch. Ils on su s'adapter au format téléviser pour en tirer tout le potentiel. Ils ont aussi chamboulé les codes en terme de technique. Le niveau de réalisation est manifeste, et il a vraiment dû faire trembler le monde de la télévision à l'époque. Mais avant tout, on retiendra de Twin Peaks une atmosphère unique, incarnée dans les premières notes d'un générique désormais culte.