Une série liée à une intrigue policière possède l’inconvénient que cette dernière se résout un jour ou l’autre. C’est le problème auquel est confrontée la seconde saison de Twin Peaks. En effet, contrairement à ce que désirait David Lynch à la base (il aurait bien vu l’intrigue autour du meurtre de Laura Palmer s’étaler sur plusieurs saisons sans être jamais réellement résolue), la production a choisi de révéler le coupable dès le septième épisode de cette seconde saison (qui en contient 22).
Ainsi, la poursuite et l’arrestation du coupable s’étalant encore sur deux épisodes, dès le dixième épisode, il faut trouver comment conserver l’intérêt du spectateur alors que la trame principale est achevée. Hélas, David Lynch (qui s’est à ce moment-là fortement détourné de la série pour travailler sur Sailor et Lula) et Mark Frost ne trouvent pas automatiquement la formule magique, ce qui entraîne un gros flottement pendant trois ou quatre épisodes où, malgré le plaisir qu’il a de retrouver les différents personnages, le spectateur n’arrive pas à trouver de réelle implication et s’ennuie un peu. Ainsi, pendant de nombreux épisodes, l’équilibre entre différents genres est un peu brisé, l’angoisse étant assez absent au profit de la comédie et de la romance. Celle-ci montre d’ailleurs ses limites concernant le couple Donna-James
qui semble un peu tourner en rond déjà avant la résolution de l’intrigue Laura Palmer : les auteurs semblent d’ailleurs s’en rendre compte en faisant s’éloigner James pour lui faire vivre une autre aventure sentimentale avant de le faire complètement disparaître de la fin de la série
. De même, pour éviter la redite, les scénaristes font évoluer considérablement la personnalité des personnages au point de les rendre parfois complètement incohérents
(Leo Johnson qui devient un légume avant de devenir un mélange entre un être violent et un simplet ; Shelly qui passe du statut de victime à celui d’une femme qui essaie de profiter, avec son amant, du fait que son mari soit devenu un légume pour gagner de l’argent ; Benjamin Horne qui passe par une période de folie où il s’amuse avec des soldats de plomb à revivre la Guerre de Sécession avant de redevenir normal ; Audrey Horne qui passe de jeune fille qui ne cherche que l’amour à celui de femme d’affaires responsable ; Nadine qui se croit retombée en adolescence ou encore Dale Cooper qui, suspendu un temps du FBI, troque son habituel costard-cravate pour des chemises de bûcheron avant, une fois son insigne et ses tenues habituels retrouvés, de tomber amoureux…)
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Heureusement, petit à petit, l’intérêt reprend avec la présence de plus en plus importante de Windom Earle. En effet, même si elle connaît des périodes de flottement, cette saison possède des épisodes très mémorables en particulier les épisodes réalisés par David Lynch
comme celui qui ouvre la saison (toute la séquence où Dale Cooper est à terre oscille entre un humour ravageur avec le vieil employé de l’hôtel et un fantastique intrigant avec le géant), celui de la révélation du meurtrier de Laura qui offre une séquence d’horreur très effrayante et enfin l’épisode final complètement dingue (se déroulant en grande partie dans la Red Room) qui est le plus lynchien des deux premières saisons et qui offre de multiples interprétations possibles. Il faut d’ailleurs noter que ce dernier est précédé d’un autre épisode non réalisé par David Lynch mais par Tim Hunter qui arrive à faire grimper la tension à son plus haut niveau
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Hélas, le coup de mou succédant à la résolution de l’assassinat de Laura et le changement d’heure de programmation de la série poussa la chaîne à décider l’arrêt de la série alors que le dernier épisode possédant de nombreux cliffhangers modifiant considérablement l’avenir des protagonistes était achevé. Ainsi, le spectateur se retrouve devant une intrigue inachevée alors que l’intérêt est à son paroxysme (le film que Lynch réussit à produire peu après, étant un prequel, ne poursuit donc pas cette histoire) et le spectateur reste donc sur sa faim et ne connaît pas de réponse à ses questions… pendant 26 ans puisqu’en 2017 le duo Lynch-Frost réussit à produire une troisième saison (la chose amusant étant que dans le dernier épisode de la deuxième saison Laura Palmer promet à Dale Cooper de le revoir dans 25 ans).