Twin Peaks - Saison 1 et 2
Twin Peaks est l'oeuvre qui résume le mieux David Lynch, celle qui à travers son évolution marque aussi celle de son auteur. La première saison se rapproche beaucoup d'un film comme Blue Velvet, une intrigue où l'étrange et le fantastique surgit par moments, les personnages sont parfois très baroques, mais l'ensemble semble assez bien ancré dans le réel. Un changement s'opère déjà dans la seconde saison, certains éléments cartoonesques apparaissent alors, à travers des détails plus ou moins visibles. La première scène de cette saison montre immédiatement ce basculement, l'agent Cooper presque indifférent à la situation dans laquelle il se trouve, fantastiquement calme, et le membre du personnel exagérément sénile. La dynamique a changé, aussi bien dans Twin Peaks que dans la carrière de David Lynch. Si on excepte le très bon Fire Walk with Me, le film qui suivra Twin Peaks sera Lost Highway, le début de sa période purement expérimentale, ou plutôt son retour dans le passé. Où bien était-ce sa période post Eraserhead qui était une sorte de préquel à ce dernier ? C'est réellement fascinant d'observer la filmographie de David Lynch dans son ensemble. Dans cette seconde partie de carrière (post Lost Highway donc), on constate une progression dans ses films expérimentaux, devenant de plus en plus abstraits au fil des années. Bien que je n'ai pas encore vu Inland Empire, j'en sais et j'en ai vu assez pour voir l'aspect radical de l'oeuvre, et j'ai hâte de pouvoir comparer avec Twin Peaks - The Return, pour voir si une progression a eu lieu. Et au milieu de tout cela se trouve l'énigmatique Une histoire vraie, film que je n'ai également pas vu, mais qui me semble être proche dans le ton d'un Elephant Man, sans doute un film de commande auquel Lynch a su mettre un peu de sa personnalité, sans changer le statut du film pour autant. Son existence est donc explicable, mais reste qu'il détonne lorsque l'on met la filmographie de Lynch a plat. Revenons en a Twin Peaks saison deux. Le fantastique apparaît aussi de manière plus importante dans cette seconde saison, l'aboutissement de la partie une est vraiment marquant, résolvant donc et non sans grandiloquent l'explication complète du meurtre de Laura Palmer. S'ensuit une période de flottement, avant le début de la seconde partie de la saison deux, qui reflète bien l'image de Twin Peaks en général, l'intrigue que l'on pensait centrale, ne signe même pas la fin de la série. L'intérêt est donc ailleurs. La fin de cette première partie de saison deux est un avant-goût de The Return, où la vacuité et la mélancolie seront centrales. Je passe les détails concernant l'intrigue concernant Windom Earle, ce qui tourne autour de la Loge Noire est bien plus passionnant, y compris la façon dont David Lynch la met en scène. C'est dans le dernier épisode que l'on explore véritablement la Loge Noire, que l'on prend conscience de l'existence et de l'étrangeté de l'endroit, ainsi que son caractère hypnotisant. Quelque chose de fascinant se dégage de cet endroit, il y a une vraie intelligence dans la représentation de ce lieu, le sentiment d'infini et de peur qu'elle inspire, vu les personnages étranges qui y vivent. Le cri de Laura Palmer qui conclue cette saison deux laisse le spectateur sans voix face à ce qu'il vient de voir. Je n'ose imaginer la sensation des spectateurs qui ont vu cela en 1991 et qui ont passé vingt cinq ans de leur vie sans savoir si ils auraient droit à une explication. Le motif des rideaux rouges continuera de hanter les films suivants de Lynch, comme un indice que Twin Peaks est toujours là, partout, car c'est l'oeuvre qu'il porte en lui avant tout.
Twin Peaks - The Return
Avec cette saison trois, David Lynch livre sans aucun doute son oeuvre ultime, l'aboutissement de tout son travail depuis le début, son cinéma expérimental, mais aussi ses peintures. Il fusionne les arts pour offrir une expérience douloureuse, intense et mélancolique. L'épisode huit est sans doute ce que j'ai vu de plus impressionnant visuellement dans ma vie, Lynch prend le temps de nous offrir cet interlude indescriptible, une expérience visuelle pure, sans fond, juste la beauté. C'est complexe de définir cette saison trois, qui donne beaucoup d'éléments d'intrigue qui ne mèneront à rien, où qui nous décevra volontairement. A ce niveau là, tout ce qui concerne l'agent Cooper est presque une torture. L'ensemble est d'une telle richesse que remettre en ordre ses idées, ses souvenirs, n'est pas chose aisée. Il n'y a plus de vraies intrigue, on suit juste ces personnages déambulés dans cet univers assez morne, et revoir tous ces personnages, parfois pas longtemps, procure une vraie émotion. La mort plane sur cette saison, et je pense que qu'elle incarne l'inverse total du fan service. Lynch donne peu, donnant à ce peu une puissance décuplée, mais l'on ressort tout de même forcément de cette expérience avec le coeur lourd. "Tout cela pour ça" c'est ce qui vient en premier, mais les images obsédantes de cette saison hante l'esprit longtemps après le visionnage, et personnellement, je pense qu'une expérience si puissante ne peut pas être inutile, mais que cela détonne tant avec nos habitudes, peut en laisser beaucoup de côté. Me reste un geste impressionnant, unique, sans doute l'un des plus beaux chants du cygne qu'un auteur ait livré.