Fort du prestige indiscutable, à la fois des Soprano et de la chaîne câblée HBO, le second de David Chase sur le série précitée, Terrence Winter, se lance dans la direction d’un nouveau show au potentiel certain. Le Showrunner, accompagné logiquement de collaborateurs fiables, Tim Van Patten, Allen Coulter ou encore Alan Taylor, trouve en Martin Scorsese, cinéaste légendaire, un appui solide pour promouvoir son projet, série mafieuse et politique implantée dans le New-Jersey des années 20, à l’heure ou sonne la cloche de l’entrée en vigueur de la prohibition. Voilà donc la naissance du successeur logique aux grands shows de la chaîne, Boardwalk Empire, prometteuse saga aussi sanglante qu’historique, compilant les légendes malfaisantes de l’époque, Al Capone, Lucky Luciano, Meyer Lansky, Johnny Torrio ou encore Arnold Rothstein sont de la partie, pour narrer une nouvelle fois le destin d’un anti-héros parfaitement conforme à l’idée de la vague dorée qui rend maintenant prestigieuse la télévision américaine.
Non content de travailler sur un thème prometteur, avec des moyens substantiels, Terrence Winter s’attache les services de ténors à l’interprétation. Pour bon nombre issus du cinéma, les comédiens officiant en costumes d’époque, dont bien entendu Steve Buscemi, Michael Pitt, Michael K. Williams ou encore Michael Shannon, tous sont des atouts majeurs dans la manche du créateur. Tout démarre donc sur la plus saine des bases, le prestige étant à moitié certain avant même la première minute de diffusion. Et dès lors, à ne pas s’y tromper, les nostalgiques des Sopranos, de The Wire et j’en passe y trouveront très vite leurs comptes. Criminelle, politique, policière, romantique et historique, la série de Terrence Winter envoie très vite du lourd, de la masse narrative qu’il s’agira de dompter rapidement pour ne pas rater le train en marche. S’articulant autour d’un personnage principal haut en couleur, Nucky Thompson alias Steve Buscemi, officie une galerie de personnages variés, d’un côté ou l’autre de la loi.
L’entrée en force du décret instaurant sur le territoire américain la prohibition marque les prémices de la série. Dès l’interdiction immuable de consommer ou vendre de l’alcool décrétée, le monde des voyous changent radicalement, et le trésorier d’Atlantic City, notre ami Nucky, prestigieux politicien au sein du parti républicain, embarque très rapidement son monde vers le trafic, le meurtre et la fabrication clandestine pour assouvir sa soif de pouvoir. Outre les rivalités, les alliances et autres schémas propres à la dramaturgie du gangster, la série offre une vision parfaitement crédible de la prohibition, phénomène politique parmi les plus stupides n’ayant jamais été appliqué. Oui, la mesquinerie de l’homme de pouvoir face à cet état de fait est ici éloquente, et l’on apprécie fortement contempler cette hypocrisie parfaitement maîtrisée par Terrence Winter. En somme, d’un point de vue historique, la série se tient, se porte même à merveille tant la conjugaison des faits réels et de la fiction est un mariage narratif captivant.
Mais cette première saison de Boardwalk Empire, servant bien entendu en premier lieu de présentation de personnages, d’entrée en matière, souffre tout de même de quelques aléas. D’abord, mais cela ne concerne que le première partie des douze épisodes, les acteurs semblent peiner à sortir du lot. On contemple alors un Michael Shannon trop timoré ou un Steve Buscemi plutôt effacé. L’évolution des personnages permettra de combler ce vide. Par ailleurs, deuxième bémol, Boardwalk Empire, série dépeignant une époque révolue depuis maintenant bientôt cent ans, souffre d’un manque sincère de moyen dans sa reconstitution. Certes les décors intérieurs sont soignés, les costumes impeccable, mais force est de constaté que les vues extérieures d’Atlantic City piquent quelques peu les yeux. Bref, tout ça pour dire que l’impression que ce petit monde évolue dans un décor sensiblement factice enlève une certaine candeur à la série. A voir si ce petit défaut sera corrigé par la suite. Pour le reste, tout est impeccable, HBO perpétuant sa grandeur en faisant montre d’un culot certain, les nombreux plans coquins offerts jusqu’alors en sont un parfait exemple, tout comme la violence avec laquelle les personnages assoient leurs pouvoirs. 16/20