Nucky Thompson et tous les survivants aux périples précédents entament leur dernier tout de piste aux travers d’une cinquième saison influencée par les maîtres du cinéma, De Palma pour ses incorruptibles et Francis Ford Coppola pour ses flashbacks dans le second opus du Parrain. Oui, Terrence Winter se fait le disciple des grands artisans du cinéma mafieux, chamboulant son programme coutumier, celui des quatre précédentes saisons, pour offrir un final élaboré tel une tragédie grecque. Acculé, bientôt esseulé, le criminel notoire que nous aimons tant tente de préparer l’après prohibition, tente de survivre à un ultime baroude d’honneur, à la révolution sicilienne du crime organisé et par-dessus tout, de combattre ses propres démons. Pour vitaliser la fin de l’empire Thompson, Terrence Winter use d’un procédé académique, celui des flashback, revenant régulièrement, durant les huit épisodes proposés, sur l’enfance puis la jeunesse de celui qui sera, successivement, shérif, trésorier et seigneur de la pègre d’Atlantic City.
Soulignons, cela est important, que sept longues années se sont écoulées entre le début de cette saison et la fin de la précédente. Cela démontre clairement l’intention du team de scénaristes de rattacher la destinée de Nucky à l’évolution historique. Cela permet notamment l’amenée d’un final grandiose, logique mais inattendu, un final que rehausse le niveau général d’une composition d’épisodes qui ne peut rivaliser avec la force, la dureté des saisons précédentes. Oui, cette ultime saison n’est pas la meilleure proposée, notamment du fait d’une refonte narrative étonnante, toujours ces fameux flashbacks, mais s’affiche tout de même comme le plus dramatique. S’approchant d’une conclusion que l’on imagine douloureuse, nous sommes ici confrontés à d’avantage de psychologie, à la disparition de personnages clefs, à la perspective claire et nette de ne plus croiser le chemin, à l’avenir, de tout ce beau monde. Les morts ne cessant jamais de s’additionner, qu’adviendra-t-il du personnage central? Que deviendront les survivants de ce jeu de massacre? Question à laquelle répond Terrence Winter en jouant sur une certaine forme de mélancolie, passage obligé pour toute saga de gangsters.
Cette ultime saison prend donc une allure de tour d’adieu, de conclusion morose à ce qui fût une épopée criminelle en quatre véritables temps. Audacieux sur le plan technique, parfaite sur le plan des interprétations, dramatique et violente à souhait, en 2014, HBO referme la boucle en proposant un final, un vrai. Cela étant dit, cette volonté d’en finir définitivement prétérite quelque peu le plaisir coupable du public, contrait de subir les évènements d’avantage qu’à les anticiper, de se réjouir des potentielles suites à tels ou tels évènements. Accessoirement, ce saut de plusieurs années dans le temps inclut un virage singulier dans le comportement de certains personnages. Terrence Winter prend fermement le parti de transformer en monstre un Al Capone que l’on avait connu humain, de muter Lucky Luciano en seigneur avare et cruel de la pègre alors qu’on le connaissait comme un allié, un électron libre. L’histoire rattrape donc la fiction avec l’impression que quelques maillons manquent entre les évènements des deux dernières saisons.
Quoiqu’on puisse y trouver comme défaut, cette dernière volée d’épisode n’en reste pas moins brillante, somptueuse de noirceur, de pessimisme et de beauté. Comme nous l’on enseigner l’histoire et les œuvres majeures du cinéma mafieux, le métier de gangster n’est qu’un cruel jeu de pouvoir n’étant jamais prédestiné à durer. Nucky Thompson, à l’image d’un Michael Corleone, d’un Carlito Brigante, d’un Tony Montana, doit faire face à l’inéluctable. Et nous, nous apprécions, comme nous avons apprécié suivre de très près cette saga criminelle majestueuse. 16/20