La Nouvelle-Orléans, 14 mois après le passage de l'ouragan Katrina, David Simon reprend sa formidable chronique sociale, sa chronique de reconstruction. On retrouve donc, logiquement, tous les protagonistes de la première saison, connaissant évolution, désillusion, espoir, dans un élan de solidarité, d'opportunisme ou de fatalité. Toujours aussi justes, aussi perspicaces dans leurs manières d'approcher cette humanité blessée mais motivée à rebâtir son environnement, David Simon et Eric Overmyer ne commettent aucun faux pas, tissant une toile narrative en ellipse d'une limpidité à toute épreuve, quant bien même le nombre de protagoniste dépasse les trois dizaines. On avait reconnu ce talent à Simon, sur The Wire, et l'on retrouve ici cette science de la mise en scène ample, diversifiée mais toujours aussi claire que de l'eau de roche. Le talent semble dès lors inné chez lui.
Dans un environnement musical omniprésent, du Jazz au mélopées cajuns, du Hip Hop au blues, les notes accompagnent sans cesse les destins de chacun, de près, très près, ou de loin. Attention, Treme, ce n'est pas seulement de la musique, c'est bien d'avantage, quand bien même les concerts, représentations, mis en scène tout du long sont souvent de grands moments d'optimisme. La musique, outre qu'il s'agisse là d'un élément indissociable de la culture de la Nouvelle-Orléans, permet ici une dédramatisation permanente, la forme d'espoir, pour bon nombre, qui leur permettra d'espérer sortir du marasme ambiant, leur faire oublier leurs bâtisses ravagées, leurs proches disparus et, sous-thème récurrent de cette seconde saison, la montée en sourdine des incivilités et du crime. On notera aussi que durant cette saison, Simon s'intéresse à l'avis des expatriés, ces natifs de la Nouvelle-Orléans forcés ou ayant fait le choix de vivre ailleurs, qui porte un regard à la fois mélancolique et dédaigneux sur leur ancienne cité. Manière, pour la production, d'étoffer le regard porté sur cette ville si particulière.
Comme ce fût le cas dans l'un des épisodes de la première saison, Simon revient ici, là encore le temps d'un épisode, sur le mardi gras, moment pivot pour tous les protagonistes, sorte d'ancre dans la mer sociale de la ville, moment de retrouvaille, d'échappatoire remarquablement mis en scène, ici, d'un naturel absolument remarquable. Treme, en somme, se retrouve rythmée par un calendrier, un impondérable lorsque l'on prend le parti de faire d'une ville le personnage centrale d'un drama. Après Baltimore, autant dire que la Nouvelle-Orléans ne fait pas figure d'Outsider tant le créateur du show semble avoir adopté les us et coutumes d'une citée à l'héritage culturelle gigantesque, qui, paradoxalement, souffre comme jamais des cicatrices d'une catastrophe naturelle sans précédents, du mépris de la nation quant au sort qui lui est réservé.
Socialement forte, musicalement passionnante, quant bien même le jazz n'est pas la tasse de thé de tous, cette seconde saison de Treme est à la hauteur des attentes, de la première saison. Inutile ici de vouloir comparer les saisons entre elles tant le tout s'inscrira, en définitive, dans une grande continuité parfaitement maîtrisée. Du grand art, optimiste, réellement vivant et passionnant. Que demander de plus? 18/20