Et de trois pour Treme, la remarquable série de David Simon et Eric Overmyer. Une troisième saison dans la continuité des deux précédentes, humaine, sociale, juste, un prodigieux condensé de destinées toutes rattachées aux capacités de la Nouvelle-Orléans à renaître après le désastre de l’ouragan Katrina. Des bas-fonds de la ville croissant à ses clubs de jazz survoltés, des jours maussades à la liesse du traditionnel Mardi-Gras, Simon et son compère, sans compter sur ses fidèles metteurs en scène et autres scénaristes, poursuit le tissage de sa toile sociale parfaitement maîtrisée tout en resserrant son attention sur les personnages principaux de son show. Un recentrage, en quelque sorte, qui voit chacun des protagonistes majeurs prendre réellement une direction définitive, manière de préparer la fin des débats, lors de la prochaine et dernière saison. Pour autant, si le cercle des intérêts aurait tendance à se réduire, la série n’en demeure pas moins toujours aussi ample.
Voilà donc, aux prémices de cette troisième saison, que 48 mois se sont écoulés depuis le passage de l’ouragan. La ville renaît tout gentiment, par paliers, l’économie se redressant, dans certains domaines d’activités. Si les opportunistes tirent profits d’une reconstruction possible, le petit peuple doit encore et toujours trouver des solutions transitoires pour perdurer, pour continuer de vivre dans sa ville. Le musicien itinérant, l’ouvrier, l’entrepreneur, tous doivent tracer leur bout de chemin dans une forme de chaos que la grande Amérique n’aura jamais voulu avouer. Politiquement, ou socialement, Simon frappe fort, très fort, disséquant les méandres d’un système presque crapuleux, mais finalement essentiel, semble-t-il. Mais Treme, c’est bien d’avantage que cela.
En effet, cette troisième saison ouvre des perspectives narratives bien plus traditionnelles, se recentrant sur des personnages confrontés aux aléas de la vie, des aléas proprement étrangers aux évènements post-Katrina. On sent que la série souhaite dès lors montrer que la vie reprend, a déjà repris, et que les évènements sinistres de la tempête ne sont finalement plus qu’une forme de souvenir, pour certains, et une manière d’en tirer toutes formes de profits pour les autres. S’il est pour le moins complexe de s’exprimer clairement à l’endroit d’une si vaste entreprise narrative, c’est du moins mon ressenti au terme des dix épisodes qui composent ce troisième tour de piste. La production tente de redonner vie à la Nouvelle-Orléans, démontrant que le monde change et que chacun, en définitive, parviendra à s’y adapter, même s’il s’agira souvent de combattre, de se révolter.
Dans tous les cas, qu’importe la direction prise par la série, Simon prouve une fois encore, si besoin est, qu’il est un formidable narrateur, qu’il parvient comme personne à donner vie à un récit mêlant un grand nombre de personnages sans jamais s’égarer, sans jamais surcharger son œuvre. Chaque séquence, courte ou longue, est importante. Chaque séquence est intelligemment transitoire ou marquante. Tout découle d’une forme d’organisation narrative prodigieuse, jamais pathos, jamais téléphonée, toujours limpide et lourde de sens. Un modèle à suivre, indéniablement. 17/20