Pour faire simple, je crois que je viens de voir ici quelque chose sans précédent ou presque, une série absolument parfaite, fascinante et vertigineuse, que je pourrai voir en boucle pendant des années même s'il n'y a pas de seconde saison (à ce propos, si quelqu'un a des infos, je suis preneur).
C'est bien simple, Fabrice Gobert, cinéaste, créateur de cette série qu'il écrit, dialogue et réalise en grande partie, me touche ici tellement qu'il se produit un sentiment rare : celui qui fait qu'on se sent tellement proche d'une oeuvre qu'on se l'approprie totalement. Je me retrouve en effet intégralement dans cette série. Les codes, les références, les choix esthétiques, narratifs, sont à chaque fois ceux que j'aurais pu faire.
Cette série est l'adaptation d'un film éponyme, réalisé par Robin Campillo en 2003. Film intéressant, plutôt réussi mais inabouti.
Transformé ici en série tv, le sujet prend une tout autre dimension.
La grande différence, donc, c'est Fabrice Gobert, ce cinéaste qui m'avait déjà tant impressionné avec son magnifique "Simon Werner a disparu". "Les Revenants" ressemble énormément à Simon Werner, ça pourrait presque en être la suite, mais en plus long, plus mur plus fantastique, plus surnaturel...
En plus de Simon Werner, qu'est-ce que je vois et que j'aime dans cette série ?
Bien évidemment le travail du photographe Gregory Crewdson qui est ici le maitre-étalon pour le chef-op de la série. Il fait, et il fait très bien, du Crewdson au cinéma (oui, j'emploie volontairement ce mot) et la transposition est merveilleuse.
J'y vois aussi de nombreuses références, en commençant par John Carpenter (quasiment la totalité de son oeuvre) et bien évidemment David Lynch. Twin Peaks, bien évidemment (jamais on a vu une oeuvre aussi proche de Twin Peaks, mais Les Revenants à l'intelligence de ne jamais la copier (comme le font tous les gens sans talent en ce moment : copier Lynch); elle s'en inspire dans l'esprit, mais garde son autonomie. Ce sont deux oeuvres de la même famille. Mais j'y vois aussi beaucoup de Mullholland Drive (certaines scènes sont presques citées). L'autre grand maitre qui règne sur les Revenants est bien évidemment George Romero, dont l'ambiance de Zombie plane sur l'intégralité des épisodes. Jia Zhangke et son Still Life est lui aussi présent tout du long, offrant à la série un final fabuleux qui laisse présager (je l'espère de tous mes voeux) une seconde saison.
La série m'évoque aussi la bande dessinée BlackHole de Charles Burns, et de nombreuses références musicales. Outre Mogwai qui signe une splendide BO qui intègre totalement l'écran et fait corps avec ce qui est filmé, Sonic Youth (signataire de la BO de Simon Werner) est présent partout dans l'esprit. Il y a un bar de nuit (copie conforme du RR de Twin Peaks) qui diffuse une reprise de Unclean de Psychic TV ou alors le très beau groupe SLOY - on reconnait encore les gouts musicaux toujours aussi pertinents du cinéaste.
A part Crewdson, je ne m'étend pas sur les références à l'art contemporain dans la série, mais elles sont nombreuses.
Mais la série dans tout ça ? Outre ses nombreuses références, elle n'est jamais étouffé, et trace sa route en 8 épisodes seulement, tous splendides (même si ceux réalisés par Gobert sont les plus beaux), et coécrits avec Emmanuel Carrère (L'Adversaire, en voici un d'autre Revenant...). Dans un croisement abstrait de Heroes et du Prisonnier, Les Revenants parvient à brasser des thèmes que je ne pensais pas capables de voir aborder dans une série TV contemporaine, et à la faire avec une mise en scène digne des plus beaux films de cinéma vu des dernières années. Le scénario est aussi fantastique que bien construit, les acteurs sont TOUS bouleversants, les dialogues sont incroyablement justes (c'était déjà le cas dans Simon Werner) et l'ambition de la construction de l'ensemble est tout simplement terrassante.
Bref, ces 8 épisodes forment une grande série TV, et une grande oeuvre tout court. Entrée directe dans mon top 10 séries !