Lorsque l’on évoque les programmes d’HBO, beaucoup, sans doute, repenseront à Six Feet Under, série, drame familial, étalée sur cinq ans entre 2001 et 2005 et acteur certain d’un nouvel âge d’or de la télévision aux cotés des Soprano et de Sur écoute. Création d’Alan Ball, scénariste du chef d’œuvre que fût American Beauty, la série nous immerge dans le grand monde des pompes funèbres, dans le cercle familial des Fisher à l’heure ou le doyen, l’entrepreneur, tire sa révérence, laissant à ses fils la tâche de maintenir son entreprise à flots. Deux fils, une petite sœur, une veuve, un collègue et tous les gens qui graviteront autour d’eux, cinq saisons durant, côtoieront la mort, le deuil mais aussi la vie, l’amour. Une famille autour de laquelle le monde tourne. En somme, la recette, un brin stéréotypée, du parfait Drama des chaumières, exercice parfaitement maîtrisé ici.
D’emblée, les personnages sont attachants, étonnants, surprenants même tant ils se doivent d’évoluer dans un curieux monde de tristesse, de bouleversements. Mais l’humanité est plus forte, tant et si bien qu’Alan Ball privilégiera, tout au long de sa série, une certaine forme d’humour noire pour apaiser son propos. Mais Six Feet Under, c’est aussi un grand cercle de névroses. Les personnages, de Nat à David, en passant par Ruth, Claire ou Brenda, souffrent tous de crises existentielles permanentes. Est-ce leurs rapports à la mort? Leurs sexualités? Leurs passifs? Qu’importe tant rien ne semble acquis, permanant, dans la bulle des Fisher, de leur business. Sans doute que le ton résolument révolté des uns et l’obstination des autres pourraient irriter, mais cela n’est-il pas le cœur même de la série? Cette perpétuelle remise en question, cet élan d’amertume qui régit tous les rapports entre personnages n’est-il pas le moteur de l’œuvre d’Alan Ball? Sans doute que oui. Reste à l’apprivoiser.
Quoiqu’il en soit, certains comédiens, on pense à Peter Krause, Michael C. Hall, Frances Conroy ou encore Freddie Rodriguez, auront trouvés ici matière à exprimer tous leurs talents, chacun dans des rôles complexes, exigeants. En effet, la réussite d’un tel show tenait sans doute beaucoup à la prestation de ses acteurs, du fait de la place prise par la psychologie, l’humour subtil, l’intériorisation des sentiments. La série, en soit, n’offre que peu de spectacle hormis aux travers de la personnalité de ses personnages. Pour dire vrai, Six Feet Under s’avère relativement inclassable tant il est difficile de lui trouver un équivalent, tant télévisuel qu’au cinéma. Tout ça pour dire que la série est unique, ce qui, en soit, est déjà une réussite.
On notera aussi que la règle de débuter la série par la mort d’un illustre inconnu, bien sûr futur client de l’entreprise familial, est savoureuse et qu’elle permettra à chaque fois d’ouvrir un nouveau dialogue, un nouveau questionnement dans le rapport qu’entretiennent nos personnages avec la mort. Ce rapport, justement, est sans doute la clef de voute de la série, quelque chose de subtile, certes mais d’efficace. On regrette simplement quelques errements, des redites, une obstination des scénaristes à en revenir, souvent, sur les même rengaines. Mais cela importe peu tant Six Feet Under est une série réussie, maîtrisée, qui, inévitablement, laissera des traces chez tous ceux qui l’auront suivie. 15.4/20