L'expression consacrée nous dit "Des cendres aux cendres, de la poussière à la poussière." La vie. La mort. C'est un sujet que la famille Fisher ne connaît que trop bien. Six Feet Under nous narre les déboires de cette famille unique en son genre, puisqu'ils gèrent l'entreprise familiale de pompes funèbres Fisher & Fils. Déjà que la série aborde un métier souvent critiqué et mal vu, Six Feet Under un thème à la fois simple et complexe à gérer: la vie elle-même.
En effet, on commence d'entrée de jeu avec le décès du pater familias: normal! La Mort n'arrive pas qu'aux autres. On suit pendant cinq saisons la vie tourmentée des personnages qui doivent jongler avec la douleur de perdre des proches, avec les déboires de leur vie sentimentale, avec les tensions au sein de leur propre famille. Le concept novateur est probablement la relation homosexuelle entre David et Keith, qui accapare en grande partie la série: l'acceptation, les préjugés, l'adoption, les tensions et le stress dû au travail... C'est un enchaînement de situations rocambolesques, et fatalement vraies, qui peuplent le quotidien de cette famille hors du commun: on se sent happé dans le tourbillon infernal de la vie, en cherchant à se poser les bonnes questions: "Aurait-il dû faire ci ou ça?", "Etait-ce vraiment la bonne façon d'agir?". Six Feet Under nous porte un regard différent de la vie, non pas pour nous la faire haïr, mais au contraire, nous apprendre à l'apprécier pour une bonne raison: elle est trop courte.
Ce qui nous amène à sa conclusion: la Mort. Comment gérer la douleur des proches? On se dit trop souvent que ça fait peur. Mais si ce n'était pas le cas? Je me suis fait la réflexion à de nombreuses reprises: avec tous les problèmes de la vie, la mort représente enfin la transition de paix et de sérénité à laquelle chacun aspire. On parvient parfois mieux à comprendre les actions des gens autour de nous qui décident sciemment de mettre un terme à leur existence. La série ouvre systématiquement sur la mort de quelqu'un, qu'il soit mort de vieillesse, tué par autrui ou par un accident malencontreux de la vie. Ce n'est pas tant la mort que les gens craignent, mais la souffrance qui vient avant de mourir dans certains cas: Six Feet Under a cet avantage particulier de nous donner un aperçu de l'esprit du mort, et du point de vue qu'il a gardé de son existence, excellente ou pathétique, selon le cas.
Entre les deux existe le métier de thanatopracteur, ou comment redonner aux morts l'apparence de leur vivant. J'ai eu l'occasion de lire un livre biographique sur un Français exerçant ce métier: Aux Portes de l'Inconnu, d'Olivier Emphoux. Il y raconte l'aspect étrange de ce métier auquel il est sans arrêt confronté lui-même à des manifestations. un concept magnifiquement repris par la famille Fisher, portée à l'écran par des acteurs d'exception: Peter Krause (The Truman Show, Sortilège), Michael C. Hall (Dexter)... Lauren Ambrose (In & Out, un Hiver à Central Park) tire remarquablement bien son épingle du jeu dans le rôle de l'adolescente mal dans sa peau, et rebelle aux aléas de la vie. Chacun d'entre eux se démarque d'une façon ou d'une autre dans cet univers glauque et morbide, qui vise pourtant un objectif contraire: mener une vie sans mensonges, sans secrets. Parce qu'en définitive, il n'appartient qu'à nous de vivre bien ou mal en attendant de nous reposer... Eternellement. Etre thanatopracteur ce n'est pas un métier facile: il faut savoir composer avec la souffrance des gens, respecter les volontés des défunts, aimer aider à reconstruire ce qui fut détruit dans la mort. Si cela peut vous dégoûter au début de la série, on finit par acclamer ce travail qui n'en reste pas moins que de l'art sur des corps humains. C'est un devoir de redonner aux morts l'apparence qu'ils eurent pour les préparer à leur dernier voyage, un respect que nous leur devons tous.
En conclusion, Six Feet Under nous offre un panel jouissif de cercueils et de déboires et donne les clés de ce cadeau universel qu'on nous a octroyés à la naissance: le droit de vivre. Car certains n'ont pas la chance de vivre un siècle entier, comme Claire: vous vous retrouverez forcément dans les mésaventures de la famille Fisher, parfois pour les prendre en pitié, parfois pour les maudire. Tout ça pour dire que dans cette grande aventure, les vivants sont parfois plus à plaindre que les morts.
Il y aurait tellement d'autres choses à dire de cette série unique en son genre. Mais la meilleure façon de vous l'expliquer, c'est de vous laisser tenter par Six Feet Under. Appréciez la tranquilité de la mort, et laissez sans regrets le monde derrière vous. Après tout, ne dit-on pas qu'une fois qu'on est mort, c'est pour la vie?