Comme tout bon scénariste de télévision, Kurt Sutter, ayant fait ses armes aux cotés de Shawn Ryan sur The Shield, vole enfin de ses propres ailes. Si sa série, Sons of Anarchy, n’a au final que peu de ressemblances avec les péripéties cultes d’une bande de flics ripoux des quartiers chauds de Los Angeles, il est pourtant aisé de reconnaître chez les motards du SAMCRO cette profusion de violence, ce condensé de suspens et la virilité un tantinet machiste du propos. Pour la comparaison, on s’arrêtera là. Kurt Sutter, donc, dont voici le premier véritable fait d’armes, signe une composition de treize épisodes au rythme bien pendu, une variation somme toute très traditionnelle de ce que représente aujourd’hui le anti-héros dans l’univers de la fiction, en l’occurrence, ici, le dénommé Jax Teller, pivot d’un ensemble de personnages soit détestables soit touchants. Le showrunner ne tente pas d’atteindre une nouvelle forme d’art télévisuelle, se bornant simplement, avec un certain succès et mérite, à suivre la voie tracée par ses pairs.
Son show brutal, sans concession, nous immerge au cœur d’un club de bikers criminels d’une petite bourgade californienne, ensemble d’individus hauts en couleurs, du chef, alias Ron Perlman, au héros, alias Charlie Hunnam, en passant par le vieux roublard, le soldat sans pitié, le jeune apprenti gangster, le gros dur sans cœur, sans oublier la matrone du gang. Tout ce beau monde est noyé jusqu’au coup dans le trafic d’armes, en somme dans les emmerdes. Tout s’enchaîne rapidement, séquences de règlement de compte succédant à des parties plus intimes entre les personnages principaux. Kurt Sutter ne prend jamais les chemins de traverse, préférant opter frontalement pour la confrontation entre bandes rivales, les trahisons et les mises en tension d’un scénario qui oscille entre classicisme et thèmes forts d’une nouvelle génération de séries. Les différents personnages, parfois confrontés à des soucis sentimentaux, notamment en ce qui concerne notre héros, forcé de devoir choisir entre deux minettes, sont tous confrontés à l’infernal dilemme entre bien et mal, peu importe la loi.
Si certains choisissent clairement leurs camps, d’autres, plus timorés, amènent, de par leurs doutes, des tensions au sein du clan. La police, elle aussi, est partagée. Entre officier locaux corrompus ou résolument envieux d’un changement et les forces gouvernementales s’invitant à la fête, le discours est souvent variable. Une fois encore, il faut l’avouer, tout est question de culpabilité, de remords et de motivation. En ce sens, si la série tient très bien la route, si chaque épisode provoque l’envie d’enchaîner avec le suivant, il semble que les armes de Kurt Sutter soient quelque peu conventionnelles. C’est peut-être tout aussi bien comme ça. En effet, jamais les scénaristes et leur patron ne s’égarent, jamais ils ne font de concession, le tout étant profitable à une facilité d’accès étonnante pour ce type de show. Oui, Sons of Anarchy s’adresse à presque tout le monde tant il est aisé de s’y plonger.
Une première saison qui rend ses lettres de noblesse à la chaîne FX, qui depuis justement the Shield, n’avait plus brillé face à la rude concurrence. Une première saison captivante tant elle est rythmée, faussement complexe donc facile à suivre. Par ailleurs, le cadre, celui de ces motards voyous, reflets des célèbres Hell’s Angels, est suffisamment sexy pour que les masses s’y intéressent. Héros ténébreux sur la corde raide, grands méchants charismatiques et intrigues variées mais toujours centrées sur les intérêts du club, la série a tout pour plaire à un large public. Espérons que la suite donnera raison à mon présent avis. 15/20