Alerte spoilers !!!!!
Je viens de finir ce matin l’ultime saison de cette série et je pense que les dernières images me poursuivront longtemps. Il est d’ailleurs curieux que je sois allé au bout de cette histoire. En effet, lorsque je l’ai débutée, sur les conseils, une fois de plus, de mon ami Arnaud, je n’ai été que moyennement convaincu. Ce qui a fait que j’ai dépassé les deux premiers épisodes, c’est ce mystère autour de la mort de John TELLER, le père de Jax, le héros. Le reste était somme toute assez banale : des gentils motards qui se révéleront rapidement ne pas l’être tant que ça puisqu’ils baignent dans le trafic d’armes et la douce extorsion de fond pour la protection de Charming, leur charmante petite ville. Ils sont contre le pouvoir et les flics, mais le shérif les aime bien et est corrompu.
Très honnêtement, je n’étais que très peu convaincu par l’interprète de Jax, Charlie HUNNAM, que je trouvais aussi beau que fade. Doué d’à peu près autant de charisme qu’une huître, je pensais à plusieurs reprises que son rôle était vraiment bien écrit et heureusement.
J’ai trouvé la saison 3 longue et parfois ennuyeuse. Elle n’a eu pour seule vertu que d’en révéler plus sur la personnalité de John qui, peu à peu, perd de son odeur de martyr pour se révéler faillible, voire faible. Mais aussi de nous faire entrevoir ce dont est capable Gemma (Katey SAGAL, oui, oui, la mère de Mariés, deux enfants), la mère de Jax, au nom de sa dévotion à sa famille et la protection qu’elle implique. Mais, maintenant que je suis allé au bout du récit, jamais je n’aurais imaginé qu’elle fût capable d’autant de violence et de cruauté. Cette saison met également en exergue tout l’égoïsme dont Clay, le beau-père de Jax et chef de clan, est capable. Mais le prétexte de
l’enlèvement du fils de Jax
et les magouilles irlandaises sont un peu forcées et le twist du dernier épisode n’est pas des plus vraisemblables.
L’autre reproche que l’on peut faire à cette série est la redondance des intrigues secondaires. Mais, que voulez-vous, il faut bien assouvir notre besoin de violence et le justifier dramatiquement !
Alors, pourquoi être allé au bout ? Eh bien, pour la qualité d’écriture des personnages et d’interprétation. Car, à partir de la saison 4, Charlie HUNNAM prend une tout autre dimension et son interprétation devient plus subtile et nuancée. A ce propos, je voudrais attirer l’attention des lecteurs sur Kim COATES qui est absolument incroyable. Très souvent, il n’a pas de dialogue, mais la caméra est braquée sur lui à des instants cruciaux et son jeu muet est révélateur des tourments de son personnage ou de la complexité de la situation (présente ou à venir). Lui qui, au début de la série, n’est qu’un obsédé sexuel déviant adepte de la baston et des armes à feu, se révélera d’une loyauté sans faille envers son club et les hommes qui le dirigent, mais aussi d’une grande sensibilité, avec l’introduction (sans mauvais jeu de mots) du personnage de Venus. Là aussi, d’ailleurs, une mention particulière à Walton GOGGINS, qui joue un transsexuel en quête d’identité et de rédemption. Il se révèle encore plus puissant que dans The shield.
Je n’oublie pas, évidemment, Maggie SIFF, l’interprète de Tara qui d’amoureuse transie, passe au rôle de mère, puis de louve prête à tout pour défendre ses enfants. Devenant, un temps l’égale de Gemma, à tous points de vue, elle finira par se rendre compte qu’elle ne peut accepter d’aller aussi loin que sa belle-mère, forte qu’elle est d’éthique et de morale. Son jeu, qui arrive à refléter en même temps la sensibilité et la dureté, est d’une grande subtilité.
Tout ça pour nous amener à la saison 7. Allait-elle clôturer correctement ce drame shakespearien, ou allais-je être déçu, comme par bon nombre de séries ? Et là, je ne peux pas ne pas rappeler où et surtout avec qui Kurt SUTTER a fait ses premières armes de scénariste : Shawn RYAN, sur la série The shield.
Si certains personnages avaient brusquement disparu, d’autres avaient justement quitté la scène. Et puis, Nero est apparu, apportant un nouveau souffle à la série dans la relation qu’il développe avec Jax. Ce dernier qui tente d’être père alors qu’il désespère de trouver un père de substitution digne de ce nom. D’ailleurs, il est intéressant de voir qu’il adore ses enfants, c’est indéniable, mais ne s’en occupe jamais, laissant ce rôle aux femmes qui l’entourent. Trop occupé qu’il est, non pas à jouer, mais à être un gangster. Et il aime ça : se battre, la violence comme unique réponse, la vengeance. Bien qu’il soit intelligent, voire malin, il se complait dans ce milieu perverti. Il est vrai que Nero (Jimmy SMITS), en bandit semi-repenti apporte un contrepoint à la situation de Jax. Même si sa relation avec Gemma, que l’on aurait pu croire apaisante pour tous, n’aura pas l’effet escompté.
L’intelligence d’écriture de Sutter, au-delà de la définition de ses personnages, se situe aussi dans l’équilibre qu’il trouve dans ses personnages et la mise ne place de duos : Jax-Hopie, Jax-Tara, Gemma-Clay, Chibbs-Trig, Gemma-Tara, Tara-Wendie, Wendie-Gemma, qui évoluent au gré de l’intrigue. Les relations entre ces personnages amènent inévitablement à quelques pics émotionnels. Le summum est atteint dans la dernière scène qu’ont en commun Jax et Nero,
où il le désigne comme étant son meilleur ami, supplantant dans ce rôle tous les hommes de son gang, qui auraient donné leur vie pour lui
. Mais l’intelligence et le recul de Nero, qui parvient à faire ce que Jax est incapable d’accomplir :
quitter ce milieu de bandits pour se retirer au calme et goûter à la sérénité
.
Car au-delà du drame familial, la quête de la paternité, des complots, des trahisons et de l’égoïsme, le vrai sujet de cette série est le destin et l’incapacité de l’homme à se défaire de son milieu. Car, tout au long du récit, à partir du moment où il renoue avec Tara, Jax n’a de cesse de vouloir sortir le club de l’illégalité, puis, n’y arrivant pas, d’extirper sa famille de son milieu et de ses vicissitudes négatives.
Nero donc, prend la décision de quitter toute cette corruption et finit par s’y tenir, au contraire de Jax, qui replonge systématiquement dans la violence et la vengeance
. La conclusion est tout à fait symbolique, au terme d’un épisode crève-cœur, d’une intensité rarement atteinte à la télé.
L’attitude christique, au sens propre : physique, sacrificielle et rédemptrice, est le fruit des 7 saisons précédentes
. Une fois la série terminée, lorsque l’on repense aux premiers épisodes, il apparaît évident que tout mènerait là. Chaque personnage va au bout de son destin, auquel il ne peut échapper, dans une logique dramatique inexorable.
C’est là que Sutter rejoint son mentor : dans The shield, tout nous amenait à la conclusion, aussi douloureuse soit-elle et il en est de même ici. Il est aussi important de noter, que malgré quelques facilités scénaristiques (qui n’étaient pas présentes dans The shield et c’est bien là la différence majeure entre les deux récits), l’ensemble est d’une cohérence assez déconcertante et c’est à souligner. D’ailleurs, la plupart des principaux acteurs de The shield sont présents dans S.O.A, pour des rôles secondaires, mais toujours essentiels et le fait que la série se conclue sur le personnage joué par Michael CHIKLIS est on ne peut plus symbolique, voire crucial.
Que restera-t-il du SAMCRO après tout cela ? La question reste en suspens et si l’on voit chaque personnage aller vers son destin, l’on peut aisément imaginer ce qu’il adviendra de chacun d’eux. Mais que restera-t-il de nous après tout cela ? Comment avons-nous pu supporter tant de violence, de vengeance, d’égoïsme et de brutalité ? Peut-être parce que cette série, au même titre que The shield reflète bien la nature humaine, certes pas dans ce qu’elle a de plus louable, mais de façon bassement réaliste dans ce qu’elle a de plus… inhumain et cruel.