Il est des créateurs qui aiment à mettre dans leurs productions certains éléments faisant échos à leur histoire personnelle. Nous savons que durant les années 80, J.J. Abrams réalisait des films en super 8 (ce qui explique certains aspects de son film de l'année passée), d'où sa passion pour le cinéma. Une carrière débutée à la télévision nous amène ses premières séries Felicity et Alias, avant la consécration mondiale avec Lost. En 2008, arrive Fringe qui ramène le fantastique et la science-fiction sur le devant du petit écran. Après une première saison très réussie, qui reprends les concepts déjà présents dans les séries précédentes, à savoir la conspiration scientifique, la présence de nombreux mystères, le personnage principal féminin charismatique etc. Cette première saison posait les bases d'un univers passionnant et riche en possibilités. C'est d'ailleurs exactement ce que propose le dernier plan de la première saison. Cette deuxième salve débute quelques minutes après la fin de la première. Nous retrouvons Peter et Walter ainsi que leur relation père / fils unique en son genre. Maintenant que le spectateur connait l'existence de l'univers parallèle, il est temps d'explorer de quelle manière il lutte avec le nôtre. Mais pour le comprendre il fallait revenir à l'événement fondateur de cet affrontement. Dans le dernier épisode de la première saison, nous apprenons que Peter est mort en 1985. La seule possibilité pour expliquer que nous le voyons évoluer dans notre monde est impensable mais néanmoins unique, il n'est pas de ce monde ci. Cette volonté de revenir à un état antérieur et a priori meilleur étant ancré chez Abrams (et étant la base de Super 8), il en fait l'un des moteurs de Walter, qui va passer dans l'autre monde afin de sauver l'autre Peter, le sien ayant été emporté par une maladie génétique. Et c'est sur cette singularité que repose toute la série. Sans cet événement, Fringe n'existerait pas. Et c'est dans le double épisode de conclusion de la saison 2 que cette révélation prend toute son ampleur. Nous découvrons un monde parallèle meurtri par une intrusion qui n'aurait jamais dû se produire. Mais c'est bien là le rôle du père chez J.J. Abrams, à la fois adjuvant et opposant. Il tente d'enrayer une menace, dont il est, en partie ou totalement, responsable. Bien sûr cela permet de trouver un fil conducteur dans la narration. L'explicitation de l'histoire de Peter n'arrivant qu'au quinzième épisode, les scénaristes glissent dans les quatorze premiers, de nombreuses allusions émanant souvent de Walter qui conduisent inéluctablement à la révélation. Si, comme dans la première saison, les cas sont passionnants et font progresser, petit à petit, les personnages dans leurs connaissances des enjeux, la prise d'importance de l'univers parallèle donne à Fringe un caractère unique et fascinant. Si Lost était devenu un phénomène mondial grâce à l'immense part de mystère qui l'entourait, il est clair que Fringe poursuit la logique Abrams, entamée il y a maintenant 11 ans avec Alias. Partir d'une situation relativement normale, cultiver à tout prix le mystère à partir de ce point de départ, le maintenir le plus longtemps possible et trouver la chute la plus ouverte possible. Ce qui fait qu'Alias, Lost et Fringe sont des séries intelligentes, c'est qu'elles impliquent les spectateurs et le forcent à se poser de nombreuses questions (notamment avec les glyphes codes de Fringe, qui peuvent laisser penser aux spectateurs qu'ils font partie intégrante du processus et qu'ils en savent parfois plus que les personnages eux-mêmes). Fascinante, captivante, transcendante, en marge, nombreux sont les adjectifs qui qualifient Fringe. L’histoire qu’elle raconte étant évidemment à la base de tous ces éloges. Une histoire qui s’améliore de saison en saison. La deuxième est en effet meilleure que la première. La troisième est elle-même meilleure que la deuxième. À suivre…