Ah, Breaking Bad ! Série devenue très rapidement culte sur laquelle, à l'instar de Game of Thrones, aucune contestation ou contre-critique n'est possible au risque de se prendre une fatwa. Pourtant, l'histoire n'était pas gagné d'avance, autant pour moi, que pour la série en elle-même qui rassemblait chaque semaine environ 1,5 millions de téléspectateurs sur AMC (la chaîne câblée si je ne m'abuse, qui nous a également apporté The Walking Dead, Mad Men et Hell on Wheels), un bon score pour cette chaîne mais pas non plus transcendantale (quand on voit aujourd'hui que la saison 4 de Walking Dead est vue en moyenne par 12 millions d'américains). Breaking Bad a donc connu un succès tardif (sur la saison 4 ou 5) et il fallait donc que l'on voit de nos yeux, ce qui est considéré comme tous comme la meilleure série de tous les temps au côté de the Wire, Six Feet Under ou The Sopranos. Et pourtant, si aujourd'hui je considère Breaking Bad comme une bonne série (très bonne par moment), j'ai eu du mal à rentrer dans cet univers d'un Nouveau-Mexique atypique et dangereux ; particulièrement parce que l'histoire (celle d'un prof de chimie qui pour payer sa chimiothérapie se voit contraint de fabriquer de la méthamphétamine) me parlait autant qu'un séjour de deux mois dans le Périgord (n'en déplaise à eux). Pourtant, la scène d'introduction est captivante et nous laisse présager le meilleur pour la suite. Pour tout dire, j'ai eu beaucoup de mal avec cette première saison composée de seulement sept épisodes. Pourtant, les acteurs sont excellents (mention spéciale à Aaron Paul qui, selon moi est bien meilleur que Bryan Cranston ainsi que celle qui joue Skyler qui en vient à nous faire détester son personnage) mais le problème est que la série se découpe en deux temps tout aussi antipathiques que lors de la première saison de the Walking Dead : l'intérêt surgit lorsque les deux se mettent à fabriquer de la meth' et lorsque l'on revient à leur vie de famille, c'est tout de suite moins intéressant. Cette saison 1 fait donc le yo-yo entre ces deux passages et un Walter White qui veut en fabriquer, puis non, puis au final oui... ; au final cette découverte BB (pour les intimes) se veut mi-figue, mi-raisin mais contient ce ''je ne sais quoi'' qui à la fin de chaque épisode donne envie de regarder le suivant.
La saison 2 est quand à elle plus alléchante, puisque les choses s'accélèrent : des épisodes plus fouillés et divertissants (tout comme les protagonistes), un suspense de tous les instants ainsi que l'apparition d'une galerie de personnages déjà cultes (le fat bastard Gus, les cousins-assassins flippants ou l'énervant avocat Saul Goodman – problème de VF certainement). Cette seconde saison (marqué par une seconde partie des plus excitantes) dépasse aisément la première sur tous les tableaux et instaure une vraie relation entre les personnages (Jesse Pinkman se fait de plus en plus attachant), de vrais moments de stress et des scènes ou épisodes marquants (les scènes d'introductions hallucinantes, l'épisode huis-clos dans le désert ou encore la mort traumatisante de la girlfriend de Jesse devant un Walter White volontairement impuissant). Son final aussi intriguant que puissant (dans tous les sens du terme) nous fait rendre compte avec joie que l'on a bien fait de ne pas suivre la série en direct qui nous aurait fait patienter plusieurs mois avant de pouvoir découvrir la suite.
La troisième saison ne déroge pas à la ''règle'' appliqué sur de nombreuses autres séries (comme The Good Wife, 24, Desperate housewives ou The Walking Dead) et devient le meilleur cru de cette œuvre complexe qui atteint son summum dans treize épisodes sensationnels enchaînant les morceaux de bravoure (la fusillade avec Hank dans le parking fut un énorme moment de stress ; ou un épisode spécialement consacré à la chasse d'une mouche) et répondant parfaitement à la formule (plus Fort Boyard, tu meurs), ''toujours plus fort !''. Tandis que Pinkman se bat avec ses démons et se remet difficilement de son deuil, White doit jongler entre une vie de famille de plus en plus ardue et sa position de baron de la drogue dont il a conscience et use avec intelligence tandis qu'il fait face à des cartels mexicains de plus en plus menaçants (des scènes dans le désert mexicain sont frissonnantes).
Après donc une saison 3 palpitante, la quatrième fournée de chez AMC se révèle en nette baisse par rapport à la précédente mais tout de même savoureuse. En réalité, cette avant-dernière saison se concentre plus sur la psychologie des personnages tout en y ajoutant une touche menaçante propre aux films de gangsters (la famille protégée par la police...) : ainsi, Jesse continue sa descente aux enfers symbolisé par la maison qu'il achète et qui finit tel un taudis ou règne anarchie, alcool, drogues tous les soirs. De plus, on en apprend d'avantage sur le personnage de bad guy Gustavo Fring, ses origines, pouvant à quelques moments montrer que son personnage est systématiquement sur la corde raide. Ce quatrième cru est donc tout aussi agréable à regarder, riche en séquences d'une tension et d'une dramaturgie quasi- shakespearienne : le moment où Walt perd la tête dans sa cave reste l'un des moments les plus réussis de la série toute entière.
La cinquième et ultime saison emboîte le pas sur la quatrième et multiplie les morceaux de bravoure dès le premier épisode avec un casse pour le moins aimanté digne d'ocean's eleven. La suite est telle une session de montagnes russes multipliant les climax tout aussi spectaculaires et stupéfiants les uns que les autres. La notion de film noir se transforme peu à peu en western avec cet ambiance désertique et ses face à face façon Sergio Leone, culminant dans un épisode dédié à une attaque de train digne d'un John Wayne de la grande époque. Si la première partie de la saison est consacrée au culte et à l'assise de Heisenberg dans le marché, alors que la seconde moitié est dédiée à sa chute ascensionnelle et vertigineuse. Que ce soit avec sa famille ou ses collègues, Walt se trouve encore plus dans de mauvaises postures, ce qui donne lieu à quatre derniers épisodes d'une qualité exceptionnelle. Une cinquième et dernière saison qui, ironiquement, aurait dû servir d'exemple pour la série entière : une cuvée extraordinaire, seize épisodes d'une rare efficacité : un rollercoaster émotionnel que l'on a jamais vu à la télévision, mélange de suspense, d'émotions fortes et de révélations assourdissantes qui ne laisse aucune place à des scènes de remplissage comme c'était le cas précédemment. Ainsi, le climat de prospérité qui essayait de régner n'est plus, place à l'insécurité, aux menaces et au déchirement inévitable d'une famille (la fin de l'épisode 14 est un exemple incroyable) et ce, jusqu'à un final logique pour conclure le destin d'un homme et d'une série hors du commun.
En résumé, Breaking Bad est une très bonne série MAIS contrairement aux dires de sériephiles un peu excessif, je ne considère pas Breaking Bad comme la meilleure série de tous les temps. Certes, la série est le plus souvent de très bonne facture (surtout avec les saisons 3 et 5), les acteurs sont excellents et les différentes situations scénaristiques sont excellemment amenées mais d'autres séries (anciennes ou plus récentes - « The Wire », « The Good Wife ») sont à mon goût de meilleure facture quant au traitement de mise en scène (ici, ce que tout le monde porte aux nues est juste du caméra à l'épaule), de personnages et de scénario. N'en reste que ''Breaking Bad'' demeure un pilier de la série TV qui connaît un nouvel âge d'or depuis 2000 (et qui devrait à mon avis prendre fin dans quelques années) avec toute une panoplie de rôles assez incroyables.