Je voudrais d’abord saluer le courage de la vraie Nismet et la performance d’actrice de la jeune fille qui joue son rôle. Voilà une histoire poignante qui montre à la fois que le placement ne contraint pas fatalement à la déchéance et que l’ASE si souvent incendiée ne fait pas que conduire des enfants vers l’enfer.
Pourtant, je me permettrais plusieurs remarques.
Voilà d’abord un récit daté. L’adolescente d’alors qui est placée en foyer d’urgence à la suite d’une fugue de son milieu familial ne le serait pas forcément aujourd’hui. L’audience chez le juge des enfants qui se termine par la confirmation de la mesure de protection aurait aujourd’hui une tout autre conclusion possible : la remise aux parents. Et ce pour une excellente raison : le manque cruel de places d’accueil ! Donc non, la facilité apparente avec laquelle Nismet est protégée est aujourd’hui dépassée. Ils seraient près de 4 000, ces mineur(e)s en danger remis entre les mains de leurs tortionnaires, parce qu’on ne sait où les faire admettre.
Voilà un encadrement bien soft. La représentation des éducateurs présents auprès de Nismet ont tout de l’ectoplasme inconsistant et fuyant. A part préciser l’heure du repas et tenir un entretien de 30 secondes dans un couloir pour rappeler à l’adolescente son rendez-vous avec un psy, voire assurer la fonction de taxi pour faire le trajet jusqu’au palais de justice, on se demande bien en quoi consiste cet accompagnement éducatif et ce soutien qui nécessitent trois ans de formation.
Voilà un foyer vraiment rempli d’enfants sages. On s’attend à un peu de tension, de souffrance, de révolte chez des mineur(e)s battus, violés, mal-aimés, au parcours explosé. Non, là, on dirait une vraie colonie de vacances, avec ses solidarités entre mômes pour fumer en cachette des adultes ou avec ses adolescent(e)s qui retrouvent une vie apaisée et un comportement totalement adapté dès qu’ils sont sortis de leur famille. Le seul moment de mauvaise humeur et de révolte, c’est lorsqu’un coup de pied est donné dans une chaise dans un couloir. Entre l’enfer des foyers très bien décrit par Lyes Louffock et le monde des bisounours qui nous est montré ici, il y a sans doute un juste milieu à représenter.
Voilà une voie bien dangereuse pour commencer sa vie adulte. Pour financer l’avocat qui va défendre sa mère, Nismet cherche à accumuler le plus d’argent possible. A 18 ans, ce n’est guère facile. Alors, elle se fait recruter dans un bar de striptease. Et du fric, elle s’en fait pas mal. Elle a la puissance mentale de ne pas franchir la frontière qui l’entrainerait vers la prostitution. Mais combien de jeunes filles spectatrices de cette série télévisée pourraient bien être attirée par cette voie magique et si facile ? Pourquoi aller chercher ailleurs, puisqu’il suffit de se déshabiller. Cela semble sans danger. A une époque où l’ASE tente de combattre, comme elle le peut, la prostitution des mineur(e)s qui lui sont confiées, ce n’est pas vraiment le moment de faire miroiter cette alouette d’un argent si vite gagné.
Au final, ce récit de vie colle au plus près de l’histoire personnelle de la vraie Nismet, il est quand même très éloigné de la vraie protection de l’enfance. L’impression factice et artificielle qui émane de la mise en scène vient sans doute de l’ignorance dans la direction d’acteur d’une réalité pas vraiment comprise. S’il est représentatif d’un parcours de vie singulier, émettons l’hypothèse que peu de professionnels et peu d’enfants pris en charge par l’ASE s’y retrouveront.