Le succès numéro 1 du manga aurait pu, à la manière de Dragon Ball Z, fournir une adaptation en série d'une médiocrité affligeante. C'est sans compter le talent du créateur Oda, certes plus discret qu'un Myazaki, mais qu'on reconnait après avoir creusé. Des années que je voyais au hasard des extraits de la série, voir des moitiés d'épisodes. Toujours, j'y trouvais une laideur assommante et une histoire d'une grande platitude. Peut être était-ce le cas des épisodes avant que je commence à la saison débuté à l'épisode 390 (rassurez vous, les épisodes n'excèdent pas 25 minutes compte tenu des génériques) ceux partant de la saison Sabaody ayant semblent-ils bien prit en maturité artistique et narrative. Quoiqu'il en soit, j'ai commencé par l'épisode 390 après m'être fait raconter toute l'histoire antèrieure, je fais donc la critique partant de ces épis :
One Piece, après quelques épisodes, déploie en fait un récit de grand intérêt, révèle un monde séduisant et une vraie inventivité. Ne faisons pas la fine bouche, elle a un grand avantage sur les animés jap rivaux : les personnages de OP ne sont pas stéréotypés et agaçants, ils sont complexes, attachants, ambigus, pas manichéens, longs à cerner. Les méchants ne sont ni ridicules ni caricaturaux, mais complexes et "humains" -d'ailleurs y a t'il des "gentils" et "méchants" dans OP ? les camps sont nombreux (pirates, marine, corsaires, révolutionnaires) et les ennemis des héros ne sont pas souvent des vilains. Ainsi donc, les méchants rarement grotesques peuvent être charismatique, voir fascinants, et aux personnalités diverses. Les héros eux, échappent au "personnages tous gentils et trop parfaits" infantile. Les combats ? Du point de vue narratif, les duels jamais trop faciles pour les héros ni clichés, dégagent alors un véritable suspense et des surprises. Les rebondissements sont souvent inattendus (et pourtant je suis fort en terme de "devinez ce qui va se passer"). L'humour, alors que je hais particulièrement celui des mangas, m'a parfois séduit, peut être par sa part de réalisme. Bref, un scénario, qui s'il ne dévoile pas un canevas innovant reste un bon cru par son traitement. Autre grand mérite, OP est une série sérieuse, plutôt dramatique. Elle ne vise pas prioritairement les enfants : les tabous sur le sexe, la violence difficile et la grossièreté, ont été discrètement détournés. Ceux qui aiment cette série, d'ailleurs, ne comprennent souvent pas son vrai intérêt, où réside sa beauté.
Niveau réalisation, nous avons droit encore une fois à quelque chose de soigné. Alors certes, One Piece n'échappe pas à la triste tradition des séries japonaises à succès : faire le plus d'argent avec le moins de moyens possibles. Ainsi, le budget serré de OP ne lui permet pas d'échapper aux défauts des séries semblables, au manque d'application : les mouvements ne sont pas très fluides et donc très saccadés (certaines secondes où les personnages défilent sont ainsi désagréables : serait-ce du 10 images secondes ,2 minutes par série ?) les détails pas aussi nombreux qu'on l'aimerait, les expressions trop simplifiées (voir les visages figés plusieurs secondes, les lèvres qui collent mal aux paroles, pour les cris un simple rond dessiné). Cependant, le travail visuel de la série prouve que depuis 2008 (avant je n'arrivai parfois même pas à regarder) OP est somptueux par rapport aux rivaux du genre ; les couleurs sont belles, certains décors presque un régal, et surtout, la mise en scène est prodigieuse. OP semble être directement inspiré de Sergio Leone, dans les cadrages saisissants, les "mouvements de caméras" inspirés, et la lenteur de l'action, c'est peut être la toute meilleure mise en scène dont disposent les animés. Seul regret : le design excentrique de quelques personnages, un peu grotesques du coup, mais je mets ça sur le compte de mes habitudes européennes.
Mais le meilleur reste là : la puissance, l'épique, l'émotion. Derrière nos aversions, appréhensions et yeux mécontents, notre sensibilité peut être atteinte par les thèmes forts (amitié, mort, rêves irréalisables) et surtout les images et les phrases marquantes. Comment oublier mes frissons devant ces répliques tragiques: "deviens mon fils !" "Maintenant nous sommes frères !" "Ecoute, nous devons vivre sans regrets" "je ne mourrais pas". Et ce qui ne nous satisfait pas dans ce que nous voyons et ressentons, notre imagination arrive à le créer et l'embellir après le visionnage. Tout cela explose avec l'ambition de Oda : ainsi une seule bataille s'étend sur 29 épisodes sans ennuyer les exigeants, et les personnages de la série atteignent au fur et à mesure plusieurs centaines sans jamais être bâclés. Bref, une série d'exception dans le paysage ambiant. Je suis pourtant des plus difficiles critiques.
PS : à voir en VOSTFR, SURTOUT PAS en VF. là les voix sont niaises et les dialogues ont été infantilisés. Les voix originales déploient une intensité, un charisme et une beauté (celle de la langue) hors-norme.