Magistral, voilà le bon mot. Je sortais de Scandal, de Homeland, du précieux The good Wife, trois séries au rythme nerveux, pour le moins. Et me voilà à New York en 1958. Pour le gag, au même moment je lisais "Dernier verre à Manhattan" de Don Winslow (Points Poche), qui se passe à New York entre Noel et le jour de l'an 1958-1959... Pour une amoureuse de cette ville, j'étais comblée, et le timing visionnage-lecture était parfait ! Le rythme de Mad Men m'a semblé un peu lent, au début. Fatalement, après les séries sus-citées, on se retrouve sans un flingue, sans un mafieux, sans un espion sur-entrainé, sans une course-poursuite. Je m'accroche, je poursuis. Incroyable générique d'une élégance folle. Beau gosse belle gueule, Don le héros. Peggy Olson, très attachante. Et mon chouchou de la série, Roger Sterling au charme so british dans son cynisme, sa gourmandise, son oeil clair sur les choses. J'ai vite accroché, et j'ai dévoré toute la série. C'est passionnant à beaucoup de points de vue. D'abord, mon papa était dans la pub durant les années 70 à Paris - côté créatif. Même bande de zazous mal coiffés, en choc des contrastes avec les commerciaux à la coupe bien dégagée derrière les oreilles. Un chevelu à moitié endormi saisit sa guitare, et lance quelques accords : c'est devenu la musique de Hollywood chewing gum qui a parcouru les décennies... J'ai aussi reconnu le mal que se donnent les créatifs, non pas pour plaire au consommateur mais... au décideur de la boite cliente ! Décideurs qui n'y comprennent rien, qui butent sur un détail et n'en démordent pas, qui ne savent pas s'ils font de la réclame ou de la pub de haute volée. Des noms me revenaient, DDB et DDB2, Ogilvy, Young et Rubicam, etc... Les roughs, la maquette, la recherche du nom, du slogan. Toute ma prime jeunesse ! Ensuite, la série est passionnante pour son étude de société. On découvre que les femmes étaient traitées tout naturellement en inférieures, indispensables mais inférieures. On découvre qu'un employé pouvait être viré dans la minute, sans autre forme de procès. Que tout se faisait la clope au bec et le verre à la main. On découvre aussi l'arrivée des fast-foods (notre prof d'anglais nous en avait parlé, vers 1972, mais c'était si étrange que j'ai mis 20 ans à comprendre), puis des ordinateurs qui occupaient des pièces entières. Sociologiquement, sans pilule, la moindre coucherie pouvait vous mettre enceinte, il fallait trouver un mari, seules quelques pionnières osaient entrevoir la vie différemment. Le personnage de Peggy Olson est exemplaire à ce sujet. Pour le personnage de Joan, par contre, je n'ai jamais pu m'habituer à l'énorme masse de sa poitrine tout le long des 7 saisons, mise en valeur de manière obsessionnelle ! - mais chacun ses goûts. Je compatis cependant à l'univers des hommes, coincés eux aussi dans cette société encore puritaine, mais d'une autre manière. L'armée, l'obligation de la réussite, la marche en avant "marche ou crève", le compte en banque à garnir, les crédits à assurer, les beaux-parents à entourlouper. Et puis l'arrivée des drogues douces, des atmosphères babacools, du love and peace pour contrebalancer la guerre de Vietnam. Quelle décennie, tudieu ! Enfin, les évènements historiques qui viennent marquer le quotidien, comme nous venons d'en faire l'expérience en ce janvier 2015. Marilyn, Kennedy, puis Bob Kennedy et Martin Luther King, qui avaient tant fait pour la cause des Noirs - dont on suit aussi l'évolution dans Mad Men. A ma fenêtre, dans ma ville, une équipe de dessinateurs venait de se faire assassiner, dans mon écran, les Noirs pleuraient Luther King comme un proche, et la peine et la sidération étaient les mêmes à 50 ans d'intervalle. Et puis ils s'envolent, vers la lune. Même si on nous promet les sept derniers épisodes pour cette année, même si je vais pouvoir encore suivre Don Draper et sa troupe quelques heures, je sanglote déjà de les perdre - obligée de revenir dans les années 2000 ! Heureusement, il reste Downtown Abbey pour s'évader de notre époque...