A la manière d’un métronome, Matthew Weiner perpétue la tradition d’excellence de son prodigieux retour dans les années 60, offrant à AMC et à son vaste public une quatrième volée de Mad Men de toute beauté. Le show, romantique, comique, historique et finalement dramatique, dont le rythme est incontestablement calqué sur celui des Soprano, légende à laquelle contribua Weiner, ne dévie pas d’iota de sa ligne directrice et conceptuelle. Le Showrunner s’emploie à tisser méticuleusement le portrait de cet homme qui n’est personne, le confrontant ici à la solitude post-divorce. Mais Don Draper et tout son historique, qui enfle au fil des épisodes, n’est pas le seul centre d’intérêt de la série, bien au contraire, Weiner ayant acquis la base d’un subtil équilibre entre les différents protagonistes, presque tous savoureux, en l’occurrence. Difficile de parler d’ellipse, pourtant, la série, quand bien même le travail est au centre des débats, ne manque pas d’atouts scénaristiques divers et variés.
Une réussite, donc, que cette quatrième saison, calquée sur les précédentes mais pourvue de tout l’attirail permettant une avancée stricte et franche dans la narration générale. Le divorce? C’est digéré. Une nouvelle agence? Voilà le centre de gravité. La fameuse Sterling Cooper est maintenant plus indépendante que jamais. Aux deux associés initiaux viennent s’ajouter les noms de Draper, Price et dans l’ombre, de Pete Campbell. Une petite famille, en somme, qui devra lutter pour concurrencer les grandes boîtes de la place new-yorkaise. Nous voilà au centre du ring, les spectateurs privilégiés d’un marché du travail d’un autre temps, méticuleusement concocté par un team de scénaristes qui ne cesse de s’appuyer, à gauche, à droite, sur des évènements marquant des années concernées pour appuyer les propos. Vivante, incarnée, la série est à la fois novatrice et un bel hommage aux sixties, à la liesse travailleuse qui régissait les centres d’affaires de la Grosse Pomme. La lutte pour la survie, la lutte pour les clients, pour le maintien des emplois, pour la renommée et la gloire. A cela, bien entendu, viennent s’ajouter les tribulations sentimentales de chacun.
L’équilibre est précaire, entre vie professionnelle et amoureuse, mais Mad Men reste parfaitement droite sur son fil, ne penchant à gauche que pour mieux se retrouver vers la droite. Sans faute, ou presque, la narration des treize présents épisodes est d’une logique implacable, d’une variété remarquable de sous-thèmes et chacun des personnages joue un rôle important dans la toile finale. Don Draper, somme toute, reste l’épicentre du show, Jon Hamm assurant, au fil des séquences, un spectacle tout en classe et sobriété. Ses tourments intérieurs, ses tourments professionnels, sentimentaux, tout ça mis ensemble, cela engendre un monstre sacré du petit-écran, un personnage qui nous fait rire lorsqu’il sourit, ou que l’on aime détester lorsqu’il tyrannise sa protégée, son entourage. A l’image de Tony Soprano, de Walter White, d’Omar Little ou encore d’un Vic Mackey, Don Draper entre indéniablement au panthéon de ses grands personnages troublants de l’âge d’or du câble américain.
Sans réelle montée en puissance entre les saisons, sans excès de cliffhanger et autres procédés, Mad Men fait gentiment son trou et, au terme de cette quatrième saison, s’inscrit déjà aux cotés des plus grandes. Soyez-en prévenus. Impossible de passer à côté de Mad Men, une série qu’il s’agit d’abord d’apprivoiser mais qui se révèle aussi charmante que la ravissante January Jones, aussi attachante qu’Elizabeth Moss et aussi charismatique que Jon Hamm. 18/20