Pourquoi une chronique sur une série, alors que je n’en écris que sur des films, d’habitude ? Eh bien, la raison en est fort simple : un film est en passe de sortir en salles, si jamais un jour nous réouvrons les cinémas. Rien n’est moins sûr ! Ayant vu la bande-annonce du dit film, et son lot de mystères, je me suis dit qu’il était grand temps de voir la série. Je vous imagine déjà d’ici : « Comment ça, il n’a jamais vu Kaamelott ? ». Evidemment que j’ai déjà vu Kaamelott ! Mais pas tout et encore moins dans l’ordre, et c’était bien là le problème pour me faire une véritable opinion sur cette série et savoir si je voulais voir le film, qu’il soit une suite, un reboot ou un préquel. J’ai donc fait appel à un ami et c’est mon frère qui s’est dévoué pour se délester temporairement de son intégrale télévisée (spéciale dédicace à Arnaud).
Je me suis donc lancé dans un marathon de plusieurs semaines, monopolisant l’unique poste de télévision de la maison chaque début d’après-midi, les samedis et dimanches. Une fois arrivé au terme de cette histoire, car il s’agit que d’une seule et même histoire, bien que pas toujours racontée dans l’ordre chronologique. C’est là la première force de cette série : il y a clairement un début, un milieu, puis un nouveau début situé 15 ans avant l’originel, puis une fin. Enfin, une fin… qui n’en est pas vraiment une puisqu’elle annonce une suite potentielle. Voilà d’ailleurs pour moi, la seule grande faiblesse de cette série : j’aurais aimé une vraie fin, avec quelque chose de définitif. Une fois arrivé au terme de ces 50 heures de visionnage, nous aurions pu envisager de notre propre chef de prolonger l’expérience par une œuvre cinématographique comme ce sera peut-être bientôt le cas. Voire une trilogie si l’on n’est pas tous morts du Covid avant.
La deuxième force de cette série est son évolution. Au début, souvenez-vous, c’était une pastille d’à peine 3 minutes. De la pure comédie où les acteurs passaient le plus clair de leur temps à s’engueuler à table, autour d’un repas, dans un lit, ou à proximité d’un champ de bataille que l’on ne voyait jamais. C’était drôle, parfois terriblement, et particulièrement bien écrit. Car l’auteur Astier connait ses acteurs et écrit pour eux. Un peu comme Audiard en son temps manipulait ses dialogues pour que Gabin, Ventura, Girardot ou Blier les ait en bouche et puissent se les approprier avec la plus grande facilité. Et chaque cinéphile confirmera à quel point ça fonctionne. L’avantage d’Alexandre A, c’est que ses acteurs, on ne les connaissait pas, ou peu. Cependant, lui les connaissait suffisamment pour leur faire du sur mesure et c’est pour ça que, dès le pilote, ça fonctionne et que l’on est pris aussi bien dans le rythme que dans les échanges.
Cette farce va durer 3 saisons, puis se muer tranquillement, mais sûrement vers le récit d’un roi dépressif, qui ne supporte plus la charge du pouvoir et, accessoirement, d’être entouré d’abrutis notoires. On se demande d’ailleurs longtemps, et souvent, pourquoi il les a choisis, avant que nous soit expliqué pourquoi ce sont ces gentils crétins et pas les téméraires chevaliers de la légende qui siègent à la table ronde. Puis la saison 5, en plus de renforcer la noirceur et la mélancolie du récit nous emmène vers un format plus long, de vrais décors extérieurs et la fin des plans fixes comme seule règle de réalisation. Enfin, la saison 6, avec des épisodes d’environ 40 minutes, tournés à Cinecittà, nous amène à Rome, durant la jeunesse d’Arthur, ce qui expliquera bon nombre de sous-entendus et de sous-intrigues du récit qui s’est déjà déroulé au cours des saisons précédentes. Une telle cohérence scénaristique, en dehors des formats évolutifs, a rarement été atteinte dans une série de ce type. Pour l’anecdote, il est d’ailleurs amusant de constater que le pilote et le dernier épisode, clôturant la série, portent le même titre : Dies irae (Prose des morts).
Alexandre ASTIER a créé un univers arthurien. Nous en connaissons tous, plus ou moins, la base, mais il a le mérite d’en proposer une relecture amusante et amusée, et fondée sur des faits historiques avérés. La grande trouvaille, (Alerte spoiler !)
c’est d’avoir fait remettre à Arthur l’épée dans le rocher pour ne plus gouverner
et laisser libre-cours à la fragilité, voire la faiblesse, du personnage. C’est aussi ce qui le rend si attachant.
Et puis, j’ai découvert récemment (il était temps, me direz-vous) qu’il y a un univers étendu de Kaamelott. Je ne parle pas des livres regroupant l’intégrale des textes des différentes saisons. Non ! Il y a aussi des BD, scénarisées par Astier lui-même, évidemment. Il en est quand même à 9 tomes ! D’une certaine façon, on pourrait considérer Kaamelott comme l’équivalent français et moyenâgeux de Star Wars. Même la musique de Kaamelott, vous la connaissez et vous la reconnaissez aux premières notes de cor, aux trois notes de cor, devrais-je dire. C’est vous dire ! a propos de musique, saviez-vous qu’Astier a composé toutes les musiques de la série. Evidemment, il en est de même pour le film.
Bien ! Fort de tous ces constats, nous sommes en droit de penser que le cinéma et son format ultra-élargi donnera à cette saga une toute nouvelle ampleur qui correspondra bien au récit de dark fantasy et d’aventures que la télé ne lui autorisait pas vraiment. Le réalisateur Astier était contraint par le format de l’image, le budget. Au vu des 6 saisons passées avec Arthur, le film promet d’être touffu, riche, tout en étant accessible, aux dires de l’auteur. Espérons qu’il aura su rester drôle car, ne nous leurrons pas, les répliques de Léodagan, Perceval et Karadoc sont inscrites dans le patrimoine culturel (C’est pas faux !). Mais l’on est en droit de penser que les 10 ans qui séparent le film de la série lui auront permis de mûrir son projet afin qu’il soit optimal.
Pour ma part, j’aurai grand plaisir à retrouver cet univers et ses personnages. La qualité de l’écriture d’Astier me promet de la cohérence, de l’humour, du latin, des traîtrises et des joutes verbales d’anthologie. Il est le seul maître à bord, se refuse à faire du fan service, ce qui m’assure que je serai peut-être désorienté et que je n’accrocherai pas forcément à sa nouvelle direction, mais au moins je ne serai pas déçu comme lorsque j’ai vu l’épisode 1 de la saga Star Wars, où ça n’était pas la menace qui était fantôme, mais l’auteur et l’originalité.