"Know you are loved."
Avec un passage d'époque en époque (1890, 1941, 2023, 2053) fort similaire à Dark (Baran bo Odar et Jantje Fries, 2017), et un soupçon de 1984 (le livre), Bodies souffre au départ d'un manque parfois criant d'interprétations remarquables, de décors certes jolis mais à certains moments trop carte postale et d'une réalisation souvent convenue usant de bien des ficelles habituelles, s'il n'y avait le montage en split screen talentueux, relevant quelque peu l'ensemble, et l'intrigue, plutôt bien équilibrée, qui se découvre au fil des épisodes dans un genre narratif qui a la cote en ce moment. Bref, il faut passer les deux premiers épisodes, pas mauvais mais qui tardent à placer le cadre, il faut le reconnaître plutôt complexe.
La distribution, qui brille par sa diversité, compte aussi quelques interprètes connu·es (Stephen Graham, Greta Scacchi) ou déjà vu·es ailleurs (notamment Kyle Soller et ses faux airs de Jude Law, qui reprend au début la posture figée qu'il tenait déjà dans Andor, 2022, avant de se dépasser par la suite, ou Synnøve Karlsen, adorablement détestable en Jocasta dans l'exceptionnel Last Night in Soho d'Edgar Wright, 2021). A côté d'elleux, je pointerai des interprètes moins connu·es (par moi) mais dont le jeu finit par être attachant à mesure que la série se poursuit, tel·les que Amaka Okafor ou Shira Haas.
Si les premiers épisodes peinent à imprimer un climat à l'un des endroits pourtant les plus chargés de Londres, le quartier de Whitechapel, mondialement connu par les oeuvres de Charles Dickens et Jack London
mais aussi par la vague de meurtres perpétrée par Jack l'Eventreur, précisément au moment où commence la première époque de la série sans qu'il y ait aucun rapport celle-ci,
on finit par s'y attacher, à la vue d'un portique ou de vieilles briques éventrées.
Chaque période se voit également traversée par une discrimination qui lui est propre, l'homophobie en 1890, l'antisémtisme en 1941, le racisme en 2023 et l'opposition politique en 2053.
Les rageux risquent de ne pas apprécier mais je vais éviter d'aller lire les critiques négatives, qu'ils restent entre eux.
A mesure que l'histoire avance, que l'intrigue s'éclaircit pour mieux s'assombrir aussitôt, chaque réponse générant de nouvelles questions, on se demande comment l'ensemble pourra tenir en 8 épisodes de près d'une heure. C'est là toute la finesse du scénario qui, malgré de très grosses ficelles et pas mal d'incohérences (avec un tel thème, c'est obligé et on finit par les excuser), permet d'atteindre à quelques questions existentielles et d'autres coups de théâtre beaucoup moins prévisibles.
Au final, si l'inspiration de la série Dark est évidente et même parfois un rien dérangeante, le rythme imprimé et la tension, qui vont crescendo, ainsi que le puzzle éparpillé font de Bodies une série à voir absolument pour qui aime se gratter le cerveau, pour peu qu'on dépasse les deux premiers épisodes.