Le 18 février 1968 la France découvre le tout premier épisode de la série créée par George Markstein et Patrick McGoohan, Le Prisonnier. Loin d’être unanimes, les spectateurs se lancent dans de virulentes critiques. D’un coté les déçus qui auraient souhaité un feuilleton d’action et d’agents secrets sauce James Bond de l’autre les néo-adeptes de cette série énigmatique et quasi anachronique car située aux antipodes de tout programmes de l’époque. Dans les deux cas, les spectateurs ne sont pas indifférents à l’originalité angoissante et déroutante de cette entité télévisuelle. Le succès de la série est rapide et sans interruption jusqu’à l’arrivée tragique du 17ème et dernier épisode, « Le Dénouement (Fall Out) », où Patrick McGoohan, haï de ses compatriotes est obligé de fuir l’Angleterre pour s’installer en Suisse. Si l’on devait en effet retenir un nom sans qui la série n’aurait pu voir le jour, c’est celui de Patrick McGoohan, créateur et réalisateur de la série, il en est aussi le principal interprète.
L’histoire est celle d’un agent secret britannique, dont l’identité reste cachée, qui roule dans une Lotus Seven jaune (le générique du Prisonnier repris à chaque début d’épisode est aussi l’élément déclencheur). Notre agent vient de démissionner de sa fonction et rentre dans son appartement londonien, il semble vouloir prendre la fuite mais un gaz anesthésiant provenant de la porte d’entrée se repend dans la pièce. L’agent reprend conscience dans un appartement quasi identique sauf que le voici installé dans le Village. Ce Village en autogestion est à première vu un lieu idyllique, habité par une communauté de villageois en habits colorés (grande influence des années 60 dans l’esthétique général de la série). Mais notre héros va apprendre qu’il s’agit la d’une société parfaite – parfaite dans le sens où personne ne lui fait entrave – où les habitants aiment à être dirigés, sont dépossédés de toute identité et où les prisonniers côtoient les geôliers sans différentiation possible.
Durant les 17 épisodes, Patrick McGoohan tentera de s’échapper tandis que les dirigeants, sous les ordres du numéro 1 tenteront de lui extirper des informations quant à sa démission. Le spectateur, lui, éprouve du plaisir à suivre le numéro 6, à découvrir les rouages du Villages et les façons de les déjouer. Mais dans Le Prisonnier, la quête mène toujours à l’échec, le spectateur qui suit avec passion les déambulations du numéro 6 souhaite voir la fin tout en ayant peur de la découvrir. Notre héros est toujours bloqué, toujours prisonnier, le générique de fin qui est aussi emblématique que celui de début, commence toujours par des grilles se refermant sur le visage de Patrick McGoohan.
Dans chaque épisode, ce dernier à voulu exprimer différent degrés d’enfermement, le village serait finalement l’allégorie de notre monde. McGoohan avec le classement par nombre a certifié vouloir représenter l’homme comme le voit la société, un numéro de sécurité sociale, de carte bleu… et le reste des épisodes décrit tour à tour l’enfermement social ou l’individualisme, l’adoration de la classe populaire pour leur maître, l’acceptation aveugle pour tout régime politique, la dualité d’un individu qui lutte contre le système tout en essayant d’y échapper, la police de la pensée où les élections sont uniquement présentent pour calmer les rebelles. Les inspirations de Patrick McGoohan sont nombreuses, de Kafka, à Orwell, Carroll, Ambler ou encore Huxley dont un passage célèbre de Le Meilleur des Mondes peut servir de description au Village « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude ».
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