28 mars 2022. Accablé par une journée de cours éreintante, je décide de me faire encore davantage de mal en allant sur Gulli Replay, afin de regarder Tara Duncan.
Je partais avec des à priori, bien sûr. Ayant lu 11 des 12 tomes de Tara Duncan parus et sachant à quel degré quasi-divin ils étaient devenus mauvais avec le temps, au point de partir en croisade contre cette saga et de dédier ma vie entière à en détourner les âmes égarées, je ne m'attendais pas à ce que cette série soit du Shakespeare. Je m'attendais à quelque chose de mauvais, mais ça ne pouvait pas être aussi mauvais que les romans, si ?
Si. Nous rompons ici l'os de la médiocrité pour en sucer la substantifique moelle. Peu de choses sont, au final, à garder dans cette série dont je n'ai, certes, vu que six épisodes, mais dont je peux largement prédire que tout son ensemble sera de la même facture. J'ai regardé les six épisodes disponibles sur Internet d'une traite. Ensuite, black out. Lorsque j'ai repris mes esprits, je me trouvais chez Leroy Merlin, à la caisse, une corde dans une main et un petit tabouret dans l'autre.
Commençons par parler de l'aspect esthétique. J'ai conscience des contraintes budgétaires liées au fait que la série ait été produite en France, mais la série arbore des graphismes très inégaux (façon Disney Infinity) dont on peine à croire qu'ils proviennent d'une série datée de 2021. La colorimétrie laisse à désirer : Autremonde est principalement rose et violet, à l'exception de la forteresse de Magister, qui est grise, noire et rouge (ça, c'est du méchant original). Ladite forteresse comporte un trône derière lequel vous pourrez apercevoir une sympathique colonne de roche magmatique gigantesque. Peut-être que Magister a appelé Valérie Damidot pour qu'elle installe ça chez lui, allez savoir.
J'ai également un réel problème avec ce que j'ai pu voir du design des personnages. Hormis Moineau/Sparrow, qui se démarque réllement, les autres personnages arborent tous les mêmes combinaisons moulantes, ce qui est dommage pour un univers de Fantasy. D'après Wikipédia et le générique de la série, l'autrice des romans a participé à l'élaboration de sa bible graphique. Alors comment expliquer un tel décalage avec le sympathique univers à forte influence médiévale présenté dans les romans ?
L'histoire souffre également de sérieux problèmes. 52 épisodes de 12 minutes sont prévus, et cette série est supposée adapter le tome 1 de la saga, qui compte 471 pages. Une telle histoire n'est tout simplement pas 'prévue' pour être découpée d'une telle façon : ainsi, les épisodes réussissent l'exploit d'osciller entre le "vite expédié" et le vide absolu en termes d'histoire et d'enjeux. De plus, la diffusion sur Disney Channel exige un format non-feuilletonant, puisque les épisodes finiront par être diffusés dans le désordre, ce qui contribue davantage à l'aspect "foutraque" des évènements. Il semble y avoir ue continuité, mais on a bien du mal à la voir, tant les épisodes doivent être auto-conclusifs. La série est donc une adaptation très librement inspirée des romans. Elle en est moins éloignée que le premier dessin animé (qui n'avait en commun avec les romans que le nom des personnages), mais ne peut absolument pas être considérée comme une adaptation fidèle de la trame du premier tome.
Le troisième gros souci de cette série, ce sont les personnages. Ils n'avaient déjà pas une caractérisation bien solide dans les livres, mais la série rend cela pire encore. De comic relief, Cal est devenu un gamin qui ne tient pas en place et ne fait que des trucs supposés amuser le spectateur, mais qui ne m'ont pas fait sourire une seule fois (et pourtant, je suis extrêmement bon public). Robin est devenu ce personnage considérablement plus sage que ses pairs et qui juge utile de leur faire la morale. Tara est complètement inconsistante et son caractère change en fonction des besoins du scénario : elle enchaîne les gaffes dans l'épisode 1, puis ce trait semble disparaître comme par magie. La seule qui s'en sort est, encore une fois, Moineau, jeune fille timide mais qui a de l'énergie et de la combativité à revendre. Le plus affecté est Magister : bien que n'étant pas vraiment un antagoniste très bien écrit dans les romans, son passé piquait la curiosité du lecteur et donnait envie de le voir agir et de comprendre ses motivations. Ici, il n'est plus que l'ombre de lui-même, nous avons devant nous un méchant sans saveur, idiot au point de transformer ses sbires en animaux dès qu'il n'est pas content, et qui passe sa journé sur son trône à épier Tara en répétant "mouahaha, bientôt, je l'enlèverai". Il attend l'épisode 6 pour décider de faire quelque chose. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien. Il était peut-être constipé, le bonhomme.
Enfin, le dernier problème majeur de cette série est qu'elle ne sait pas à qui elle s'adresse. D'un côté, elle semble clairement chercher à conquérir un public plus jeune que celui des romans originaux. De l'autre, certains éléments cruciaux (la Changeline, comment Tara connaît Magister et le lien qu'il a avec elle) ne sont pas expliqués, alors que le roman nous expliquait plutôt bien ce qu'il se passait. En résumé, les gamins ne comprendront rien à l'histoire, et les fans des romans ne trouveront aucun intérêt à regarder ça.
Bref, un très mauvais départ pour cette série à l'avenir assez incertain.