Huit ans, 96 épisodes pour narrer les trépidantes aventures de Dexter Morgan, haut personnage télévisuel de la décennie, vedette d’un show qui aura fait couler beaucoup d’encre depuis son avènement, en 2006. Une page se tourne avec, tout le monde le sait, un goût amère en bouche, la faute à une conclusion, une ultime saison, n’ayant pas été à la hauteur de la globalité de la série, au potentiel du personnage et de son univers. Oui, une fin décevante est un préjudice majeur si l’on considère le show dans son ensemble. Pour autant, durant ses huit années, Dexter, sa sœur Debra, ses collègues de travail, ses compagnons de routes éphémères ou ses adversaires nous auront fait passer d’excellents moments. Ne crachons donc pas dans la soupe, dans son ensemble, Showtime et son show vedette n’auront pas démérités.
En toute rationalité, Dexter possédais d’emblée un atout majeur. Son intrigue principale judicieusement amorale, délicieusement retorse. Le public étant depuis l’avènement de personnages cultes au profil d’anti-héros tels que Tony Soprano ou encore Vic Mackey, acquis à ce type de personnage populaires de par leur immoralité, le culot de Showtime est payant. Faisant de leur héros un tueur en série sanguinaire attaché à la police criminelle métropolitaine de Miami, les créateurs affichent clairement les mêmes ambitions que celles de Shaw Ryan pour The Shield, soit faire de leur héros un personnage sur le fil du rasoir, à la frontière d’une possible révélation catastrophique. La recette ayant fait ses preuves, il fallait aussi trouver le ton juste qui permettra à la série de trouver son indépendance artistique. Pour ce faire, on propose ici un ton léger, quasi comique, se mêlant habilement, du moins en grande partie, avec un fond dramatique, voir glauque.
Malgré ces engagements artistiques, il apparaît pourtant qu’à l’inverse de ses références, Dexter et les huit saisons qui le composent, ne parviendront pourtant jamais réellement à s’émanciper de l’alchimie traditionnelle de la série télévisée. Il faut comprendre ici qu’en dépit d’un rapprochement de l’univers du cinéma des grands hits de HBO, notamment, Dexter restera strictement adjointe à la plus pure tradition du show télé, modèle bêta remplissant sans sourciller les tranches horaires hebdomadaires de toutes les chaînes publiques de par le monde. Artistiquement, donc, Dexter ne peut rivaliser avec les plus grands shows américains, ceux ayant cueillis l’ambition de se rapprocher d’un art plus noble, le cinéma. Cela dit, cela n’est pas foncièrement un handicap majeur du fait de la facilité d’accès de chacun des épisodes, formatés comme un feuilleton à succès, quelque chose de facile à suivre et d’addictif. Un simple regard ne renferme ici rien d’autre que ce qu’il est. Pas d’ellipse narrative à la The Wire, pas de psychologie délicate à la Soprano ni même de noirceur à la The Shield. Dexter n’est qu’un simple feuilleton. Ce fait là acquis, on peut apprécier la série à sa juste valeur.
Malgré ses nombreux défauts de facilité, son manque de profondeur, soulignons tout de même que Showtime a réussi à livrer une série addictive mais surtout attachante. Le peu de personnage évoluant dans la périphérie du personnage principal entraîne une lecture quasi intimiste de l’œuvre, s’approchant de quelque chose de familial d’avantage que social. Ce mode narratif permet évidemment d’atténuer les horreurs commises par le héros, reléguées à une simple opinion alors que la logique aurait voulu y voir l’effroi. Peu importe, la série fait son effet, du moins en partie, et l’appartement de notre héros, son lieu de travail, ses collèges, sa famille, deviennent un théâtre de divertissement plutôt sympathique. Admettons-le. Au final, voilà sans doute l’un des derniers exemples de séries nouvelles générations tournées au format d’un vieux feuilleton télé, aux antipodes des œuvres cinématographiques. Je recommande Dexter pour ses bons moments mais ne peut que me résoudre à le déconseiller aux plus virulents amateurs de séries, qui trouveront nettement mieux ailleurs. Voilà une bonne chose de faite que d’avoir clôturé ces huit saisons. C’est une chose que je ne ferais plus. Avis aux amateurs. 14/20.