Hiérarchie policière, hiérarchie criminelle, politique, magistrature, tout y passe dans The Wire, support de la chaîne HBO se voulant le pendant télévisuelle d’une réalité socialo-politique propre aux métropoles de côte est des Etats-Unis. La première saison de la série dresse le tableau d’une traque au grand banditisme, d’une enquête policière visant à faire tombeau un parrain de la drogue local, monstre sacré dans son quartier, inapprochable et d’une prudence professionnelle impressionnante. Inutile ici de faire le pitch d’une saison retors, d’une confrontation entre bien et mal toute nuancée. Sous des allures de trame policière traditionnelle se cache une complexité multi-facettes qui soit captivera le spectateur soit l’enverra dans les roses. A mille lieues des inusables et déplorables séries policières de grandes audiences, voici le remède documenté s’adressant au public lassé par toute cette facilité, toute cette bêtise.
Aux cotés d’un détective phare s’ajoutent une multitude de personnages, flics issus de toute la hiérarchie, magistrat, avocats, barrons de la drogue, soldats des rues, junkies, indics, tout y passe. Si bien que de louper l’un des treize chapitres de la saison est synonyme de décrochage. D’aucuns reprocheront alors à la série de David Simon son impressionnante complexité, ce qui n’est pourtant pas la principale caractéristique de cette première saison. Oui, place à la prise de tête, au travail mémoriel, tout en étant certain que faire cet effort équivaut à plonger la tête la première dans une captivante enquête policière parsemée d’ellipses narratives et agrémentée d’une critique sociale hautement documentée. Alors que Baltimore est dans la tête des européens une métropole américaine proche de la capitale US, la ville aux innombrables cités sera le centre du monde télévisuelle du public durant le visionnage de sur écoute, d’un public autant captivé par ce monde là que dégouté de toute cette misère.
Dominic Cooper, Idris Elba, dont la série est le révélateur, ou encore Harris Wood, tous les interprètes sont excellents, tous investis d’une tâche, tous pleinement incorporés à un environnement urbain tel que très rarement décrit à la télévision. Notons au passage qu’il s’agit là d’une des premières apparitions d’une star de demain, Michael B. Jordan. Violente, souvent immorale, elliptique, la série de David Simon est un choc, aussi bien culturel que narratif. Chacun des nombreux personnages est sur un siège éjectable qui lui est propre, des voyous au bout d’un canon, des flics victimes de leurs hiérarchie. Pour autant, malgré le ton pessimiste de l’œuvre, rien n’est pourtant moins jouissif que des personnages malmenés, une tension paralysante. Les Showtime l’auront compris, HBO ayant notamment ouvert la route à des créations tel que l’énorme Breaking Bad, au formidable show qu’était les Sopranos ou encore à la surprenante odyssée des ripoux de The Shield, les héros sont morts, place au anti-héros.
Seule ombre au tableau d’une première saison aussi bien captivante qu’inventive, d’un point de vue technique d’investigation, notamment, c’est le format visuel. Si HBO est sans conteste l’un des principaux initiateurs de cette nouvelle vague de séries formidables sur nos écrans depuis le début des années 2000, le format visuel des épisodes d’il y a dix ans est tragiquement en dessous des techniques de visionnage d’aujourd’hui. Si bien que la version DVD de The Wire, il n’existe aucun autre format de la série, n’est désormais plus adapté à la technologie. C’est simple, même si le plaisir est suprème, il devient difficile de visionner ce type de disque sur un écran nouvelle génération d’une diagonale supérieure à 100 cm. Mais bref, là n’est qu’un aspect technique qui ne concerne pas directement le travail de David Simon et son équipe qui auront livrer ici une première saison d’anthologie, une réelle et impressionnante série policière, mais pas seulement. Pressé de découvrir la suite, je sens toutefois que je vais regretter les planques successives sur les toits surplombant Franklin Terrace. Un hit. 18/20