Cinquième et dernière saison de ce qui est sans le moindre doute le plus aboutie, d’un strict point de vue construction narrative, des séries dans leur ensemble. Certes, la suite verra sans doute poindre une certaine concurrence, chez HBO notamment, mais notons tout de même qu’en terme de productions achevées, The Wire s’affiche comme le plus elliptique des séries TV. Bref, cette cinquième saison, justement, s’appuyant sur la crédibilité, la solidité des années précédentes, offre une très belle critique du monde médiatique des grandes métropoles américaines. L’on ne parle pas ici de télévision, de radio, mais bel et bien de la presse écrite, branche pouvant être considérée comme dépassée de l’industrie médiatique telle qu’on la connaît mais finalement l’emblème de la distribution de l’information, haut lieu de l’information locale. Lorsque l’on sait David Simon, créateur de la série, sorti tout droit du carcan journalistique, l’on ne peut qu’envisager une approche d’une crédibilité sans faille de la profession.
Sur ce fait, après l’école, quatrième saison, le monde des journalistes rejoint la danse et permet de tracer un trait d’union entre un univers bien différent de celui de la police et la criminalité. Comme de coutume dans The Wire, tout est lié. Des méfaits prodigieux, appelons un chat à chat, de Jimmy McNulty au Sun de Baltimore, des répercussions politiques au mépris des budgets alloués à la loi et l’ordre, l’ensemble, compact, permettra l’avènement d’une conclusion à la hauteur de l’intégralité de la série. Alors que l’on connaît maintenant tous les personnages comme de bons vieux potes, comme des mauvaises rencontres perturbantes, pour certains, l’on pensait sincèrement David Simon incapable de nous surprendre réellement. C’était sans compter sur une intelligence hors norme qui propulse définitivement la série au panthéon des plus inventives.
L’obstination maladive d’une branche policière face au crime, à un malfaiteur tout désigné, n’aura jamais été aussi bien mise en avant qu’ici. Roublards, imprudents mais surtout obstinés, cette dernière quête pour la justice, la leur, d’une bande de policiers, éternels troubles fêtes de hiérarchie, compose l’ultime tour d’honneur pour David Simon. Le créateur met un point final à son œuvre, une série qui aurait eu les capacités de se renouveler à l’infini. L’homme fait tout juste, n’enfonçant pas son bébé vers des sentiers balisés moins surprenants, préférant laissé choir Baltimore cinq ans après avoir commencé à raconter l’histoire de ses rues et banlieues. Bien des choses se sont passées ces cinq années durant, l’avènement d’un maire, des mouvements incessants dans la police ou encore une multitude de renversements dans la sphère criminelle qui gangrène la ville. Des hommes ont été promus, des hommes sont morts, beaucoup, des grands objectifs ont été remplis. Pour autant, David Simon signe un final dantesque du fait qu’il démontre que ceci n’est qu’une éternelle boucle, un perpétuel recommencement. Comme l’on pouvait en effet s’y attendre, les policiers sont remplacés, de nouveaux politiciens seront élus et le monde n’ira ni moins bien ni mieux.
L’on quitte donc l’âme en peine une série mythique qui aura bercé quelqu’une de nos chères soirées. Avec maintenant la certitude d’avoir déjà mis les pieds dans les bas fonds de Baltimore, Maryland, l’on pressent, sans doute à juste titre, ne plus retrouver une telle fresque de sitôt. Ne désespérons pas, le monde fourmille de talents, suffit de leurs accorder du crédit, comme HBO l’a fait avec David Simon. Un cinquième et dernière saison ni meilleure ni moins bonne qu’une autre, peut-être plus culottée, mais qui possède l’unique mérite d’être la dernière, soit celle que l’on regarde en sachant qu’il n’y aura donc pas de lendemain. Superbe. 19/20