Concrètement, de l’avis d’un bon nombre d’intervenants, dont des célébrités hétéroclites, The Wire, Sur écoute, de par chez nous, la création de David Simon, est la meilleure série de tous les temps. Ceci est un fait avéré. Si dans mon cas je ne m’avancerais pas à établir un quelconque classement des productions télévisées, j’admets volontiers qu’à l’instar d’une toute petite poignée d’autres séries, la tentaculaire odyssée policière de HBO fait bel et bien partie d’un patrimoine télévisuelle voué à la postérité. Chef d’œuvre incontestable du petit écran, The Wire n’est pas seulement un modèle à suivre d’un point de vue narratif, non, elle est aussi la preuve de l’amour que porte HBO pour son public. En effet, le show de David Simon n’aura jamais conquis une audience démesurée, HBO préférant l’intelligence à la fortune. Là encore, c’est un fait. Si peu d’entre nous, les accros aux médias, n’auront finalement eu la chance de se perdre dans le Baltimore contemporain, ceux qui y sont allés, comme moi, n’y seront pas revenu indifférents, en aucun cas.
Si j’ai petit à petit disséqué les cinq saisons que nous ont offertes David Simon et son team de scénaristes, dont l’excellent romancer Dennis Lehane, notamment, il convient de revenir ici sur la série en tant qu’élément unique. Peu importe les saisons, peu importe les personnages, ceux que l’on a apprécié, ceux que l’on a aimé détester, The Wire c’est avant tout un procédé global. Entendons par là que le but premier de ses créateurs était de dresser le portrait le plus réaliste possible d’une métropole américaine dans sa phase post-industrielle. Dès lors, chaque saison met l’accent sur un sujet bien précis, hiérarchie policière, hiérarchie criminelle, prolétariat et syndicalisme, politique, éducation et journalisme sont les six principaux axes développés. Pour autant, jamais le scénario ne s’éloigne d’un fil rouge judiciaire absolument passionnant. Donc, dans sa globalité et dans le tempo d’une investigation policière de longue haleine, David Simon et ses scribes dressent un portrait social avant tout, un portrait lui aussi hautement passionnant tant tous les enjeux sont mesurables à l’échelle de tout un chacun.
La force de The Wire réside bel et bien dans son harmonie. Si de-ci de-là le scénario semble s’égarer, détrompons-nous, c’est pour mieux interagir plus loin avec la ligne directrice. Au fil du temps, l’on semble connaître chacun des protagonistes, chaque nouvel épisode signifiant partir pour une nouvelle journée de boulot auprès de nos chers flics, partir sillonner les rues auprès de nos lascars préférés, s’assoir au bureau du maire pour prendre les décisions qui s’impose ou pour amener une réflexion sur le système éducatif, sur la légitimité d’une presse écrite. Tout y est passionnant tant l’ellipse narrative qui unit les protagonistes est savamment tracée. L’effet papillon, appelons ça comme on veut, est l’un des traits de caractère de la série, toujours alerte des moindres faits et gestes du plus insignifiants des personnages pour mieux en faire des séismes, tant politiques que judiciaires.
Au final, l’on quitte l’âme en peine une série d’une rare virtuosité. Certes, nulle place ici pour les héros, ni même pour les anti-héros. En effet, pas de Walter White, pas de Tony Soprano ni même de Vic Mackey, personnages emblématiques de l’univers télévisuelle de ces dernières années, mais simplement des personnages traçant leur bout de chemin sur le fil du rasoir. Si l’on aura finalement apprécier des personnages tels qu’Omar, le culte robin des bois des bas-fonds, Stringer Bell, le charismatique, McNulty, le flic imprévisible ou encore Tommy Carcetti, le maire par excellence, aucun d’entre eux n’aura pris autant d’importance que le contexte en général. Au terminus, le seul personnage concret de The Wire, c’est Baltimore, la ville. Comme évoqué lors de ma critique de la cinquième saison, malgré tous les évènements auxquels on a peu assister cinq ans durant, le monde continue de tourné de la même manière. C’est sans doute ce final glaçant qui rendra mémorable The Wire, qui n’est pas une histoire mais des centaines, un simple moment de voyeurisme dans une réalité glacée, un moment d’attention dans un espace temps indéfini. C’est là qu’est l’exploit de David Simon. Avoir réussi à mettre en scène la vie telle que certaine la vive, sans jamais juger ni prendre parti, le tout en captivant son public. Du grand art. 18.4/20