Baltimore, années 2000. Dans cette grande ville industrielle en déclin de la côte est américaine, le spectateur suit une équipe du Baltimore Police Departement durant ses enquêtes. Malgré ce pitch très classique, The Wire s'est imposé en 5 saisons comme une série culte, qui a renouvelé le genre. Pourquoi?
Dans la forme, The Wire creuse déjà la différence avec ses concurrentes. Alors que les séries classiques type «Les Experts» se donnent beaucoup de mal pour conserver un rythme effréné et bloquer le spectateur devant sa télé, The Wire prend le risque de parier sur un tout autre fonctionnement. Le rythme est lent, les plans sont extrêmement travaillés, et les auteurs se permettent même le luxe de quelques plans fixes (impensable dans une série classique). Visuellement c'est beau, voire très beau, pour peu qu'on soit sensible à l'esthétique du polar et de la série noire: ambiances interlopes, bars glauques, zones industrielles à l'abandon, house projects (les cités américaines) dominées par les dealers... L'immersion est compléte.
Mais c'est dans son propos que The Wire détonne réellement. Les amateurs de polar US auront d'ailleurs l'impression de voir une adaptation de leurs bouquins favoris puisqu'on y retrouve le schéma narratif classique du genre: un scénario assez léger (dans la saison 1, la police affronte un réseau de dealer particulièrement bien organisé), qui donne assez de latitude pour se permettre un exploration poussée des personnages et de la société.
Et c'est là que The Wire devient la meilleure série jamais produite: les personnages sont tous d'une profondeur abyssale, ils déjouent les clichés voire, mieux, s'en servent pour les contrecarrer. Pas de manichéisme ici, ni gentils ni méchants. A ce titre, comment ne pas évoquer le personnage d'Omar (que Barack Obama trouve «fascinant») gangsta drapé dans un grand imper, armé d'un imposant fusil à canon scié mais homosexuel affirmé et ne braquant que les dealers?
Mais la richesse de la série vient de son personnage le plus important: la ville de Baltimore elle même. Explorée sous tous ses aspects, elle se dévoile entièrement au spectateur. Au delà de cette analyse, les auteurs fournissent une analyse intransigeante de la société américaine, et mettent en lumière ses profondes crevasses. David Simon, créateur de la série, déclare à Télérama: «The Wire parle d’un système qui ne fonctionne plus. C’est une vision noire, mais nous avançons des solutions dans certains épisodes, notamment sur la décriminalisation de la drogue ou sur l’éducation. Le capitalisme tel qu’il s’épanouit aujourd’hui a perdu tout visage humain et nous sommes plus incapables que jamais de trouver une réponse sérieuses aux problèmes qui se posent à notre collectivité.»
The Wire n'est pas une série facile. Sa progression très lente, sa volonté d'aller au delà du divertissement, son sérieux et sa noirceur peuvent en rebuter plus d'un. Mais ce serait passer à côté d'une série d'une richesse rarement égalée, qui a bouleversé le monde télévisuel.
«C’est un truc de fou. Jamais une série ne m’a fait cet effet.»
Booba
-critique initialement parue dans le LIC d'octobre 2011-