L’évènement 2024 : « Heeramandi, les diamants de la cour »
(8 épisodes netflix 2024), du réalisateur de Bollywood le plus célèbre, SL Banshali, auteur de l’immense chef d’œuvre historique« Bajirao Mastani » (2015) et de grands films comme le superbe drame musical Devdas (2002), prouve, s'il en était besoin que le système cinématographique de Bombay ne produit pas que des mélos stéréotypés.
Voici avec la série Heeramandi un film aussi important que Bajirao, comportant et mêlant harmonieusement une intrigue puissante, des soubassements historiques solides (ici Lahore annés 40), un ancrage sociologique détaillé (ici le milieu des courtisanes, danseuses traditionnelles, chanteuses et poétesses, d'un haut statut culturel – nommées tawaïfs - de Heera Mandi, le "quartier rouge" de Lahore), un message politique fort (le soutien du mouvement d'indépendance par les musulmans et singulièrement la masse des tawaïfs, ce qui n'est jamais dit et qui est caché par le pouvoir fédéral raciste antimusulman de Modi), une intrigue tendue, dramatique et pleine de rebondissement où la férocité et la cruauté délibérée du colonisateur anglais est soulignée et la dureté des maisons closes n'est jamais minimisée, le niveau l'excellence des danses et chants illustrant et commentant chaque épisode, soulignant la perfection du travail des tawaïfs (et contrairement à ce qui a été dit leur souci artistique).
Les personnages principaux sont incarnés par des actrices inconnues ici mais très expérimentées et d'une expressivité confondante.
Le film est produit en langue ourdou mais distribué par netflix en anglais, on recommande de le suivre en anglais.
Heermandi a été la série la plus regardée dans le monde au premier semestre 2024, traduisant la satisfaction du public devant un projet si élaboré, montrant la structuration initiale du mouvement indépendantiste sur des bases terroristes et le raidissement répressif immédiat des forces coloniales, appuyées par l'aristocratie égoïste des nababs ("nawabs" en anglais) mais pas par la masse des courtisanes qu'ils rémunéraient pourtant et ce malgré leurs concurrence acharnée.
Préparée depuis 14 ans par Banshali et ses collaborateurs, les critiques indiens unanimes relèvent la perfection du projet et de la réalisation.
On sera fasciné des le début, même si la complexité de l'intrigue mettra quelques épisodes à se laisser totalement appréhender par le spectateur occidental.
Cette année, le chef d'œuvre du cinéma vient de Bombay.