https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/03/15/esterno-notte-critique-mini-serie-hautement-spectaculaire-et-prenant/
20 ans après, Marco Bellocchio récidive. Il avait en effet déjà réalisé Buongiorno, Notte (2003) autour de l’enlèvement et l’assassinat du président de la démocratie chrétienne Aldo Moro. Le cinéaste total âgé de 83 ans, exprime ici avec sa série Esterno Notte le besoin, dans une époque tourmentée par la montée des radicalisations de tout ordre, en réponse aux immobilismes politiques et institutionnels de tout poil, comme un besoin de revenir à la charge sur une tache sanglante de l’histoire italienne.
Dès le premier épisode, sont ridiculisés les courants, clubs, motions, et autres mini-ramifications de chaque parti, qui sclérosent le rouge, par peur certes légitime de devenir brun, mais qui au final, s’immobilise dans le rose indolore du compromis permanent, inconsistant au possible et surtout totalement exaspérant. Des vanités ordinaires et des lâchetés égotiques qui justement donnent espace et respiration aux extrêmes. L’histoire, au-delà de se répéter, semble surtout comme désespérément figée. C’est bien en voulant toujours contenter tout le monde, que l’on finit par ne jamais faire plaisir à personne.
La mise en scène, notamment au cœur des arcanes du pouvoir, est d’une sobriété comme un genre en soi. L’épure de la photographie, de l’image, une véritable esthétique de la lumière et des mouvements, s’inscrivent dans une réalisation feutrée, parfois grandiloquente mais jamais prétentieuse et qui permet facilement une adhésion, une envie d’être là, de suivre. La série n’en demeure pas moins dans des codes particulièrement haletants. Fin de l’épisode 1, « A mort l’état bourgeois « , la folie meurtrière des brigades rouges, les hélicoptères qui survolent Rome, Aldo Moro dans une caisse à l’arrière d’un fourgon qui ouvre les yeux, avec Porque Te Vas en fond, on en a de sacrés frissons.
C’est presque parfois un sentiment de vertige, de trop et de perte. Mais le déploiement est bien évidemment hautement spectaculaire et prenant. A l’image de ce moment fou, cette métaphore hallucinée de Aldo Moro qui porte sa croix, qui s’avère symboliquement fascinante.
Pur produit Bellochio, qui entre sur un mode fracassant dans l’univers sériel, avec son lyrisme, sa poésie lugubre, son sens narratif si précis et dense, Esterno Notte marque par sa puissance formelle autant que par son originalité dans l’art d’un récit multiple.